Propos sur le cannabis (I)
Informations indispensables en vue d’un débat sur sa légalisation
La légalisation du cannabis est revenue à l'avant au plan politique. Une information exhaustive au public est nécessaire pour un débat objectif.
Légalisation du cannabis: Le débat politique devrait se concentrer sur la pertinence ou non de la réglementation du cannabis et non passer directement sur la façon d’organiser cette dernière. L’accord gouvernemental d’hier, sans concertation, ni motivation, ni débat ne doit pas être considéré comme une obligation en fin de mandat. Les problèmes de la drogue ne sont pas le résultat de la prohibition.
Parler d’un échec de combat peut insinuer que ces drogues ne sont qu’un problème d’encadrement légal et ne présentent aucun risque pour la santé. Les substances psycho-actives ne sont pas des produits ordinaires, qu’elles soient légales ou non.
Registre des consommateurs: Il y a une réticence très compréhensible face à un registre centralisé par un organe d’Etat, et pour cause. Les acheteurs ne sont pas convaincus par la garantie de confidentialité du registre de l’Etat. Le registre des consommateurs va intéresser en premier les narco-trafiquants à la recherche de clients potentiels.
Et puis les bureaux de ressources humaines des entreprises pour éviter d’engager des consommateurs potentiellement dépendants de la drogue du cannabis. Les entreprises essaient d’écarter tout risque de consommation de drogue de leurs employés, notamment chez les chauffeurs d’autobus, les éducateurs, les pilotes d’avions, etc ... Une liste non exhaustive. Et pour cause.
Trafic transfrontalier: Des groupes criminels existant à l’étranger vont venir s’implanter au Luxembourg et souhaitent produire eux-mêmes leur cannabis dans un environnement judiciaire plus propice, pour l’exporter ensuite chez nos voisins. Un trafic transfrontalier va s’installer. Ce sera une entrave aux bonnes relations entre Etats en Europe et surtout avec nos voisins directs. C’est un pas de plus à la surenchère du caractère «insulaire» du Luxembourg.
Démocratie politique: Dans les deux états nord-américains, le Colorado et l’Etat de Washington, le changement de statut légal du cannabis a été introduit par voie de la démocratie directe en collaboration avec les associations des libertés individuelles. La loi a été portée par un consensus populaire. En Uruguay, la régulation a été portée d’en haut par le Président socialiste et le gouvernement, à l’encontre d’une opinion publique majoritairement réticente. Le Luxembourg semble suivre la démarche de l’Uruguay.
En France, le Président Emmanuel Macron a dit: «Il faut un coup de frein aux stubs et pas de la pub». Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a instauré une amende de 145 euros à tout fumeur de cannabis sur la voie publique. Des tendances opposées. Celle du Luxembourg, plus judicieuse ?
Police et Justice: Désengorger le travail des policiers est inconcevable, car une charge supplémentaire leur incombe afin de contrôler une multitude de dispositions que la loi va émettre. Au Canada, la loi C-45 compte 128 pages. Les trois quarts du texte de la loi sont les énumérations des interdits et les sanctions y afférentes. Toutes ces effractions vont forcément encombrer le système judiciaire. Félix Braz, ancien ministre de la Justice, a aussitôt balayé l’argument selon lequel une législation du cannabis allégerait le travail des autorités policières et judiciaires.
Marché noir: Une étude conduite par les analystes de la Scotia Bank estime qu’en 2020 le marché noir contrôlera toujours 71 % des ventes de cannabis au Canada. Quel gâchis et quelle expérimentation hasardeuse du gouvernement. Le Luxembourg emboite le pas au Canada et s’aventure dans une démarche qui ne lui revient pas. Un pays laboratoire car «aucune expérience de légalisation n’a encore été proprement évaluée». Le gouvernement du Luxembourg veut produire un cannabis light à 5 % de THC. Ce qui n’intéresse personne. La majeure partie des consommateurs vont s’approvisionner au marché noir pour avoir un cannabis toujours plus hautement titré en THC pour contrer l’effet d’accoutumance. Chacun trouve facilement et discrètement son joint. Même en terme de prix il sera avantageux de s’approvisionner au marché parallèle.
Les revers de la loi: En Uruguay le gouvernement actuel aborde une nouvelle étape de la prévention, le lancement d’une vaste campagne nationale. Au
Canada la loi est fédérale et les provinces sont responsables de son application avec une certaine autonomie. Le Québec vient de relever l’âge de la consommation légale de 18 à 22 ans. L’Ontario a récemment interdit la culture à domicile. La dénomination de «cannabis bio» a été proscrite pour des raisons de publicité mensongère. Un revirement en matière de drogue. «Le Soir» nous indique une augmentation des hospitalisations au Canada suite à des consommations excessives de cannabis. On y compte 30 hospitalisations par jour de jeunes entre 12 et 24 ans.
Conduite avec facultés affaiblies: Pour l’alcool la limite est de 0.5 pm, pour le cannabis, la limite est d'un nanogramme de THC par ml de sang (nngr/ml). Au contrôle routier l’alcoolémie est facile à constater, le constat de la cannabolèmie pose problème. Le test salivaire atteste la consommation d’un joint, mais il faut demander un test sanguin pour déterminer sa concentration (le test salivaire n’est pas pris en compte en justice). Le test permettant de détecter les drogues est beaucoup plus élaboré que le test d'alcool mais ne permet pas de démasquer les gens qui ont mangé et non fumé du cannabis. Le taux d’alcool descend rapidement et le lendemain la conduite d’une voiture est possible, mais avec un joint il faut attendre trois jours pour arriver en dessous d'un nngr/ml de sang. L’effet du cannabis ingéré met plus longtemps pour s’installer et plus longtemps pour se dégrader. La légalisation contribuera à démystifier, voire banaliser sa consommation. Faisant du cannabis un produit comparable à l’alcool, envoie le message que son usage n’est pas dramatique, voire tout à fait normal.
Fiscalité: Les gouvernements du Canada, du Colorado et de l’Etat de Washington profitent d’un marché très lucratif. L’Uruguay et le Luxembourg ne vont pas ou peu taxer le Cannabis. Le coût de production sera supporté par les consommateurs et au vu des infrastructures très onéreuses, on peut conclure à un prix quand même fort élevé par rapport au cannabis du marché noir, importé du Maroc. Finalement l’Etat n’aura aucune rentrée fiscale pour sa soi-disant campagne de prévention, au contraire le contribuable va financer en partie la production de cette drogue par une subvention publique.
Consommation: Il est très difficile de chiffrer la consommation d’un pays ou d’un autre et également de savoir dans quelle catégorie de la population on assiste à une diminution ou à une augmentation de la consommation de cette drogue. Beaucoup de relevés (hôpitaux, services sociaux, police, gouvernement ...) donnent quand même un aperçu sur une augmentation de la consommation dans toutes les classes d’âge. Certaines villes au Canada (Montréal, Vancouver, Québec, Ottawa) ont analysé les eaux usées et ont fourni des statistiques fiables: toutes attestent une augmentation généralisée de la consommation du cannabis.
L’auteur est professionnel de santé; la deuxième partie de l'article sera publiée le 26 juin