Le gouvernement De Croo inflexible face aux sans-papiers
L’idée d’une régularisation massive est rejetée avec l’objectif évident de couper l’herbe sous le pied de l’extrême droite
Il y a maintenant six semaines que 430 sans-papiers ont commencé une grève de la faim, à Bruxelles. Couchés sur des lits de fortune dans l’Eglise du Béguinage, dans des locaux de l’ULB et de la VUB, ils réclament la régularisation de leur situation. Certains sont réputés illégaux depuis plusieurs années.
Dans les médias, sur les réseaux sociaux, ce dossier empreint de désespoir et d’automutilations est devenu viral. Mais rien n’y fait. Le gouvernement De Croo refuse d'accéder à la demande des grévistes, estimant que les régularisations de sans-papiers doivent se faire sur base de dossiers individuels, et non pas de façon collective. Au cas par cas …
Pour Alexander De Croo, la «seule manière, c’est en travaillant dossier par dossier. Vous ne pouvez pas faire cela avec des critères qui figurent dans une loi. Il n’est pas question de traitement collectif dans ce type de dossiers.» Le Premier ministre renvoie à l’accord de gouvernement.
«Il n'y aura pas de régularisation collective et celui qui donne de l'espoir aux grévistes de la faim jette de l'huile sur le feu», avait auparavant déclaré le secrétaire d'État à l'Asile et à la Migration, le chrétien-démocrate flamand
Sammy Mahdi. A la Chambre, il a été appuyé par toute la majorité. Les partis gouvernementaux, de gauche comme de droite, ont fait bloc pour éviter une crise qui pourrait se payer cash dans les urnes.
Des conditions de semiclandestinité
Traditionnellement, la Flandre se montre rigide face aux problématiques migratoires là où les francophones prônent une certaine tolérance. Mais aujourd’hui, chacun sait qu’un geste en faveur des sans-papiers sera qualifié d’appel d’air par l’extrême droite. Et personne ne veut être accusé d’avoir assis le Vlaams Belang en position de premier parti national.
Ce calcul politique, qui contribue à maintenir de 100.000 à 150.000 sans-papiers dans une semi-clandestinité, est dénoncé par la société civile. Mehdi Kassou, le porte-parole de la Plate-forme citoyenne de soutien aux réfugiés, déplore que les partis du gouvernement, tant francophones que néerlandophones, se réfugient dans une position attentiste au motif qu’il ne faut pas faire le lit des extrémistes.
«J'ai un peu l'impression que tous les partis pensent avec le fantôme de la N-VA et du Vlaams Belang dans la pièce. Tout le monde pense que tout positionnement sur la migration risque de devenir un coup de pouce au Vlaams Belang et à la N-VA». Mehdi Kassou regrette un «silence morbide».
Côté chiffres, la pandémie et le premier confinement avaient marqué une pause dans l’enregistrement des demandes d’asile. Mais celles-ci sont désormais reparties à la hausse, et la réouverture des frontières à la faveur des vacances d’été devrait alimenter a fortiori le flux migratoire.
Comment sortir de cet imbroglio? Le secrétaire d’Etat Sammy Mahdi évoque une «zone neutre» pour accompagner les grévistes de la faim. Ajoutant que, «dans une série de cas, cela signifiera qu’il faudra une procédure de retour».
Pratiqués depuis des décennies par la Belgique, les «éloignements» – les retours forcés ou volontaires – ont été au coeur de la politique migratoire du précédent gouvernement dirigé par le libéral francophone Charles Michel. L'ex-secrétaire d'Etat N-VA Theo Francken en avait fait une véritable croisade. Sans réussir pour autant à régler une question schizophrénique où s'opposent la nécessité de faire respecter la loi et celle qui impose d’être en accord avec les valeurs démocratiques et humanistes que l’on dit défendre.
Il n’est pas question de traitement collectif dans ce type de dossiers. Alexander De Croo, Premier ministre