Farce, dénonciation, confusion
«Le Nozze di Figaro» au Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence
La metteure en scène Lotte de Beer propose une vision surlignée des «Nozze di Figaro» de Mozart, les transformant d’abord en farce burlesque, les faisant ensuite une oeuvre dénonciatrice plutôt MeeToo, pour conclure en une démonstration malheureusement un peu confuse. L’oeuvre y perd de sa densité intrinsèque. Thomas Engelbrock et son Balthasar Neumann Ensemble n’ont pas trouvé leur vrai rythme l’autre soir.
«Le Nozze di Figaro» peuvent susciter de nombreuses approches contrastées. Lotte de Beer opte d’abord pour une lecture farcesque. Elle fait de nous les spectateurs de l’enregistrement d’un de ces feuilletons qui rythmaient la vie quotidienne des «ménagères américaines de moins de cinquante ans». Trois cases sur le plateau: une chambre à coucher, une buanderie, un salon. Deux panneaux placés en hauteur signalent les moments où il faut applaudir ou rire.
Cette façon de voir les choses se justifie: le Comte veut abuser d’un droit de cuissage normalement supprimé sur une jeune soubrette, Suzanne, qui va bientôt épouser le valet Figaro. Voilà qui désespère sa femme, la Comtesse. Chérubin, un petit page éternellement amoureux, vient faire rebondir l’intrigue. C’est drôle c’est très farce. Lotte de Beer réussit à la mener grand train, avec beaucoup d’inventivité dans le rythme sans faille qui convient. C’est réducteur, mais on s’amuse.
Après l’entracte, le plateau est vide, sinon une cage en verre dans laquelle se trouve la Comtesse, femme prisonnière, témoin des turpitudes de son mari. Une tout autre perspective donc, celle d’une dénonciation des abus mâles. MeeToo est passé par là.
Un carnaval de l’oppression
Mais Lotte de Beer ne s’en tient pas là. C’est une femme d’images, et voilà que surgissent des bataillons de tricoteuses. Le tricot comme métaphore de la résistance féminine! Sur le plateau, c’est une débauche de vêtements multicoloriés, qui culmine dans le gonflement d’un immense totem bariolé. Pourquoi pas, même si c’est très insistant.
Mais un problème se pose: ce carnaval de l’oppression étouffe la fin de l’oeuvre, dont on sait comment ses ressorts sont prétexte à belles réflexions humaines. Tout cela devient plutôt incompréhensible pour qui ne connaît pas l’oeuvre au préalable.
Julie Fuchs impose sa Susanna dans un chant aisé, impertinent, dans un jeu si juste de présence corporelle; Gyula Orendt a toutes les ruses d’un Comte vil séducteur, trompeur finalement trompé; André Schuen a les élans de Figaro, mais sans grandes nuances; Lea Desandre a les apparences juvéniles maladroites de Chérubin. Jacquelyn Wagner (la Comtesse), Leonardo Galeazzi (Antonio), Elisabeth Boudreault (Barberine), Emiliano Gonzales Toro (Don Basilio), Monica Bacelli (Marcellina) et Maurizio Muraro (Il Dottor Bartolo), complètent la distribution.
Thomas Engelbrock, un soir «sans» peut-être, n’a pas réussi à se mettre au diapason multiple de ce qui se bouscule sur le plateau.
Au Théâtre de l’Archevêché les 7, 9, 12, 14, 16 juillet à 21.30 heures. Sur Arte Concert le vendredi 9 juillet à 22.30 heures. Infos:
www.festival-aix.com
Une métaphore de la résistance féminine.