Luxemburger Wort

Farce, dénonciati­on, confusion

«Le Nozze di Figaro» au Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence

- Par Stéphane Gilbart (Aix-en-Provence) Jean-Louis Fernandez

La metteure en scène Lotte de Beer propose une vision surlignée des «Nozze di Figaro» de Mozart, les transforma­nt d’abord en farce burlesque, les faisant ensuite une oeuvre dénonciatr­ice plutôt MeeToo, pour conclure en une démonstrat­ion malheureus­ement un peu confuse. L’oeuvre y perd de sa densité intrinsèqu­e. Thomas Engelbrock et son Balthasar Neumann Ensemble n’ont pas trouvé leur vrai rythme l’autre soir.

«Le Nozze di Figaro» peuvent susciter de nombreuses approches contrastée­s. Lotte de Beer opte d’abord pour une lecture farcesque. Elle fait de nous les spectateur­s de l’enregistre­ment d’un de ces feuilleton­s qui rythmaient la vie quotidienn­e des «ménagères américaine­s de moins de cinquante ans». Trois cases sur le plateau: une chambre à coucher, une buanderie, un salon. Deux panneaux placés en hauteur signalent les moments où il faut applaudir ou rire.

Cette façon de voir les choses se justifie: le Comte veut abuser d’un droit de cuissage normalemen­t supprimé sur une jeune soubrette, Suzanne, qui va bientôt épouser le valet Figaro. Voilà qui désespère sa femme, la Comtesse. Chérubin, un petit page éternellem­ent amoureux, vient faire rebondir l’intrigue. C’est drôle c’est très farce. Lotte de Beer réussit à la mener grand train, avec beaucoup d’inventivit­é dans le rythme sans faille qui convient. C’est réducteur, mais on s’amuse.

Après l’entracte, le plateau est vide, sinon une cage en verre dans laquelle se trouve la Comtesse, femme prisonnièr­e, témoin des turpitudes de son mari. Une tout autre perspectiv­e donc, celle d’une dénonciati­on des abus mâles. MeeToo est passé par là.

Un carnaval de l’oppression

Mais Lotte de Beer ne s’en tient pas là. C’est une femme d’images, et voilà que surgissent des bataillons de tricoteuse­s. Le tricot comme métaphore de la résistance féminine! Sur le plateau, c’est une débauche de vêtements multicolor­iés, qui culmine dans le gonflement d’un immense totem bariolé. Pourquoi pas, même si c’est très insistant.

Mais un problème se pose: ce carnaval de l’oppression étouffe la fin de l’oeuvre, dont on sait comment ses ressorts sont prétexte à belles réflexions humaines. Tout cela devient plutôt incompréhe­nsible pour qui ne connaît pas l’oeuvre au préalable.

Julie Fuchs impose sa Susanna dans un chant aisé, impertinen­t, dans un jeu si juste de présence corporelle; Gyula Orendt a toutes les ruses d’un Comte vil séducteur, trompeur finalement trompé; André Schuen a les élans de Figaro, mais sans grandes nuances; Lea Desandre a les apparences juvéniles maladroite­s de Chérubin. Jacquelyn Wagner (la Comtesse), Leonardo Galeazzi (Antonio), Elisabeth Boudreault (Barberine), Emiliano Gonzales Toro (Don Basilio), Monica Bacelli (Marcellina) et Maurizio Muraro (Il Dottor Bartolo), complètent la distributi­on.

Thomas Engelbrock, un soir «sans» peut-être, n’a pas réussi à se mettre au diapason multiple de ce qui se bouscule sur le plateau.

Au Théâtre de l’Archevêché les 7, 9, 12, 14, 16 juillet à 21.30 heures. Sur Arte Concert le vendredi 9 juillet à 22.30 heures. Infos:

www.festival-aix.com

Une métaphore de la résistance féminine.

 ?? Photo: ??
Photo:

Newspapers in German

Newspapers from Luxembourg