Une rencontre par-delà le temps
Jean de La Fontaine est né il y a 400 ans, le 8 juillet 1621 à Château-Thierry
(donc de l’utilité de la fable proprement dite, qui en constitue le «corps7»), c’est-à-dire de la possibilité même d’agir sur les actions humaines par des mots, et de régler moralement cette société humaine que Pascal, dans ses Pensées, décrit comme un «hôpital de fous8». Comment se fait-il en effet que, malgré tous les avertissements reçus (depuis des siècles !), toutes les leçons entendues, tous les traités de bonne conduite qu’il a lus, l’animal humain revient-il toujours à ses vieilles tentations, à savoir transformer sa nature, être ce qu’il n’est pas, espérer devenir bon, beau, puissant, riche, aimé, renommé par la seule magie de sa volonté et de sa ruse? Il est néanmoins essentiel qu’une «morale» apparaisse dans la fable, non pas pour redresser, ni même pour dénoncer, critiquer ou déplorer la bêtise humaine, mais pour faire office de référence structurelle de normalité. En définitive, La Fontaine n’est pas un professeur de vérité, mais ses apologues sont là pour nous révéler non seulement l’écart entre le monde tel qu’il pourrait être et le monde tel qu’il est, mais encore l’écart anthropologique de l’homme à lui-même. Et si nous tentions de réduire ces écarts par la (re)lecture du corpus lafontainien?
Sainte-Beuve (C.-A.), Causeries du lundi, tome VII (3e éd.), Paris, Garnier frères, 1865, p. 518 (art. «La Fontaine»).
Le Pestipon (Y.), Préface in La Fontaine. Fables, Paris, NRF/Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», 1991 (2021), p. XI.
Le Pestipon (Y.), ibid., p. XI.
Aristote, OEuvres complètes, Paris, Flammarion, 2014, p. 1740 (tr. fr. M.-P. Duminil et A. Jaulin).
Versaille (A.), Hors-série Jean de La Fontaine (entretien avec André Versaille), Paris, Le Monde, mai-juin 2018, p. 65. Dandrey (P.), ibid., p. 7.
La Fontaine (J. de), Préface, in Fables, op. cit., p. 9 : «L'apologue est composé de deux parties, dont on peut appeler l'une le corps, l'?autre l'âme. Le corps est la fable ; l'âme, la moralité».
Pascal, Pensées (éd. Brunschwicg), Paris, Garnier Frères, 1930, Fragment 331, p. 160.