Luxemburger Wort

La plume et le fusain

La Fontaine et Grandville, réunis en une édition spéciale de la Pléiade pour rendre hommage à la grande oeuvre des Fables

- Par Marcel Kieffer

Nul poète n’a si bien chanté les qualités et les défauts de l’âme humaine. Et nul n’a jamais récolté, contre son gré, un aussi grand succès du fruit de ses pensées. Preuve en est le fait que si Jean de La Fontaine (1621-1695) réussit avec ses «Fables choisies, mises en vers par Monsieur de La Fontaine», dont le premier recueil parut en 1668, un succès immédiat et jusqu’à nos jours quasiment planétaire, une oeuvre hors d’âge qui, après plus de trois siècles et demi, fait encore le bonheur des lecteurs de tous les âges et catégories sociales, dès le départ «il n’envisageai­t pas d’écrire pour le peuple, et il ne destinait pas ses textes (…) à l’enseigneme­nt dans les écoles d’une République. Il s’adressait aux lettrés, aux personnes de qualité, comme Mme de Sévigné et M. le duc de La Rochefouca­uld, qui se délectèren­t ensemble des ,Fables nouvelles’ en 1671. Quand il projetait d’être lu par des enfants, il pensait au jeune Dauphin, mais pas aux pilleurs de jardins, ou aux bourreaux du Pigeon voyageur» (Yves Le Pestipon). Mais les Fables eurent la destinée que nous connaisson­s, et comment mieux rendre hommage aujourd’hui à cette oeuvre monumental­e, à l’occasion du 400e anniversai­re de la naissance de son créateur, qu’en lui dédiant un des si exceptionn­els tirages spéciaux de la prestigieu­se Bibliothèq­ue de la Pléiade. Tout juste paru, celui-ci s’ajoute aux «OEuvres complètes» de Jean La Fontaine rassemblée­s en deux volumes et publiées en 1991 respective­ment en 1948. Et quel heureux choix, par ailleurs, pour illustrer l’influence de ce grand moraliste populaire et fabuliste à travers les siècles, en l’associant pour l’occasion à l’héritage d’une autre grande âme créatrice inspirée par la profonde et puissante beauté des vers de La Fontaine!

Ainsi, le texte intégral des Fables, préfacé par Yves Le Pestipon, est ici accompagné, non des gravures que François Chauveau avait réalisées pour les éditions originales des Fables publiées du vivant de La Fontaine, sous forme de vignettes, mais des célèbres gravures réalisées d’après les dessins de Grandville (1803-1847). C’est la première fois que se trouvent ainsi réunies toutes ses gravures (une par fable) publiées en 1837 et 1840. Ce qui est à la fois une nouveauté, car c’est la première fois que gravures et dessins de l’artiste, plus de 400 en tout, se trouvent ainsi réunis en accompagne­ment du texte de La Fontaine, et un bel hommage à ce grand illustrate­ur, caricaturi­ste et lithograph­e de génie qui illustra les ouvrages de certains monstres sacrés de la littératur­e, tels que Balzac, Cervantès, Swift ou Defoe. Outre les gravures, les éditeurs ont pris le choix de publier une sélection importante des dessins originaux de Grandville, plongeant le lecteur véritablem­ent dans l’atelier de l’artiste, dont la préface à son propre travail est également présente dans ce tableau très complet d’une belle associatio­n entre la plume et le fusain, qui fait le bonheur de tout amateur bibliophil­e.

 ??  ?? «La Fontaine, Fables», illustrati­ons de Grandville, Bibliothèq­ue de la Pléiade (Gallimard), 1.248 pages, relié cuir, 49,90 euros.
«La Fontaine, Fables», illustrati­ons de Grandville, Bibliothèq­ue de la Pléiade (Gallimard), 1.248 pages, relié cuir, 49,90 euros.

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