Luxemburger Wort

Il ne nous a pas quittés

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Tout était prévu sur cette page pour une chronique sur Stefan Zweig (voir ci-contre), et puis est venu la nouvelle de la mort d’Axel Kahn. Une mort annoncée. Le médecin, ancien chercheur en génétique et président d’université, essayiste et humaniste, puis aussi président de la Ligue Nationale Contre le Cancer en France, avait rendu public en mai dernier qu’il était atteint d’un cancer et qu’il vivait ses derniers jours. Il s’est éteint ce mercredi à l’âge de 76 ans.

Pendant ses derniers jours Axel Kahn nous a rappelé que la mort n’existe pas, que ce n’est que la fin de la vie, et que «cette fin n’est rien d’autre qu’une expérience qu’on ne vit qu’une seule fois», alors ne la ratons pas! Sur France Inter, où il avait déclaré qu’il était incurablem­ent malade, il avait dit en mai: «C’est une période très importante de ma vie. J’ai souvent dit que personne n’est autre chose que ce qu’il fait: imaginons qu’il me reste trois ou quatre semaines à pouvoir faire, alors le choix de ce que je fais, la manière dont je le fais, sont plus importants que jamais».

Axel Kahn a cité Oscar Wilde qui avait dit «je veux faire de ma vie un chef-d’oeuvre». A l’écrivain il répond: «Moi je n’ai pas l’outrecuida­nce de le dire, j’aimerais bien que l’on puisse dire ,c’est pas mal’. Le défi personnel que je me lance, c’est que j’aimerais que ma mort soit un chef d’oeuvre.»

«Sois raisonnabl­e et humain!»: c’est la formule que le père d’Axel Kahn avait léguée à son fils, formule d’autant plus forte et saisissant­e que son père Jean Kahn s’est suicidé. «Ai-je bien suivi ce fil d’Ariane qui m’a été offert?» se demande Axel Kahn en ouverture de son dernier livre «Et le Bien dans tout ça?»1. Oui, le bien? Qu’en est-il? L’auteur écrit: «Lorsque beaucoup du ruban de la vie a déjà été déroulé, on se retourne parfois pour en juger l’aspect. J’en ai ressenti le besoin pour apprécier la cohérence d’un parcours, confronté aux questions, situations, dilemmes, engagement­s et combats auxquels j’ai été mêlé.» Au bout de 350 pages l’auteur arrive à la conclusion que l’interrogat­ion sur le bien persiste entière dans tous les événements que nous vivons. Pour lui, pour nous, «il apparaît de plus en plus difficile d’y répondre, de plus en plus essentiel de poser la question. Si ni vous ni moi ne la posons pas, qui le fera?»

Axel Kahn a publié une trentaine de livres. Ceux qui aiment la randonnée connaissen­t peut-être ses «Pensées en chemin»2, un livre qui a fait découvrir un randonneur capable d’avaler deux mille kilomètres en parcourant «sa» France, de la frontière belge dans les Ardennes à la frontière espagnole sur la côte atlantique, au Pays basque. Vers la fin de son périple Axel Kahn écrit: «Inutile de s’appesantir sur mon état d’esprit en débutant la dernière étape de mon long voyage, il est un mélange de celui du condamné à mort fumant sa dernière cigarette et du marin rentrant au port après qu’il a fait un merveilleu­x voyage dont les multiples images restent gravées dans son esprit.» Cette phrase aussi fait écho à une démarche humaniste et nous conforte à affirmer: Non, Axel Kahn n’a pas été quelqu’un dont on peut dire «il nous a quittés.» mt

«Et le Bien dans tout ça?» Les essais Stock, 360 pages, 20,50 euros «Pensées en chemin», Le Livre de Poche, 310 pages, 5 euros

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