La chasse aux responsables
L’affaire du militaire Jurgen Conings promet une réforme à l’armée belge
«Qui doit payer pour l’affaire Conings?» s’interroge la radio publique «La Première» en prenant acte «des erreurs graves» et des «dysfonctionnements en pagaille» relevés par deux enquêtes successives au sein du service de renseignement militaire (SGRS). Cette question revient régulièrement depuis que, le 20 juin dernier, le corps de Jurgen Conings a été retrouvé.
Le militaire, qui colportait des idées d’extrême droite et était recherché pour avoir proféré des menaces de mort à l’encontre de plusieurs personnalités ainsi que d’une mosquée, s’est suicidé. Depuis, le monde politique s’interroge sur la nécessité de refonder ou non la Défense, à commencer par le SGRS.
La seconde enquête qui vient d’être présentée à la Chambre confirme que les renseignements militaires, jusqu’au plus haut niveau, sont impliqués dans une foule de dysfonctionnements. Accablant, le rapport des enquêteurs révèle notamment qu’une rotation très importante du personnel avait lieu au sein du SGRS, et donc que l’expérience n’avait guère le temps d’y mûrir. Sans quoi ceux qui ont eu en main les éléments démontrant que Jurgen Conings avait tout d’un extrémiste auraient dû prendre le dossier au sérieux.
Ces problèmes structurels posent la question de la responsabilité du haut commandement militaire. Mais aussi du politique, en l’occurrence celle de la ministre de la Défense Ludivine Dedonder. Jusqu’ici, celle-ci se retranchait derrière son arrivée récente à ce poste, soit en octobre dernier, et dans une certaine mesure derrière son inexpérience des dossiers. Depuis, on a appris qu’elle avait participé en mars à une réunion ou la radicalisation d’extrême droite avait été discutée. Le dossier Conings n’aurait pas été évoqué à cette occasion, selon la ministre.
Dedonder sur la défensive
Ludivine Dedonder ne se laisse pas démonter. Pour elle, la solution aux problèmes révélés par l’affaire Conings appelle «une action politique pour harmoniser les approches des différents services au sein de la Défense». Elle pointe le renseignement militaire et annonce une série de mesures afin de revoir leur fonctionnement dès 2022. «On veut tout faire en manquant de moyens», explique la socialiste. «Mais ça ne marche pas: le suivi de l’extrême droite est un exemple.» Il faut revoir, dit-elle, «la culture d’organisation», privilégier l’expérience et non la rotation du personnel. Il est aussi question de synergie – non d’une fusion – entre le renseignement militaire et la Sûreté de l’Etat.
Jusqu’ici, la majorité gouvernementale est restée soudée autour de la ministre Dedonder. Elle devrait sauver sa tête. Mais il n’est pas certain qu’il en aille de même pour le patron du SGRS, le général Philippe Boucké. Le député libéral Denis Ducarme, membre de la commission Défense à la Chambre, juge sa démission inévitable. «On ne peut pas recommencer «On veut tout faire en manquant de moyens. Mais ça ne marche pas», dit la ministre de la Défense Ludivine Dedonder.
On ne peut pas recommencer après la crise la plus grave au niveau de la Défense simplement en tapant sur les doigts. Denis Ducarme, membre de la commission Défense à la Chambre
après la crise la plus grave au niveau de la Défense simplement en tapant sur les doigts.» Problème: Philippe Boucké n’est en poste que depuis septembre dernier.
Au-delà du cas Conings, les enquêtes déposées devant les parlementaires posent à tout le moins la question de la capacité de la Belgique à collecter valablement des renseignements à caractère militaire. La sécurité du pays en dépend pourtant. Le député Georges Dallemagne (humaniste, opposition) apporte une réponse cinglante: «Rien n'a changé» par rapport aux attentats de 2016 lorsque le SGRS avait déjà été épinglé, affirme-t-il. «On a même l'impression que ça s'est aggravé. On semble ne pas avoir appris de ces attentats.»