Quelle belle fête
Un «Falstaff» de Giuseppe Verdi qui galope comme dans les films burlesques au Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence
Au Théâtre de l’Archevêché, ils nous ont séduits: Verdi tel qu’en lui-même et vivifié par le chef Daniele Rustioni, «Falstaff» tel qu’espièglement dynamisé par le metteur en scène Barrie Kosky. Falstaff, l’énorme Falstaff, le perpétuel affamé et assoiffé, toujours en quête de la «bonne idée» qui lui permettra de remettre à flot des finances toujours en péril. Sa dernière trouvaille justement: séduire à la fois les belles et riches Alice Ford et Meg Page. Aussi vite pensé, aussi vite ourdi. Mais le réel … et surtout Shakespeare, qui est le «papa» du bougre, et Arrigo Boito, qui est l’auteur du livret, vont évidemment lui compliquer la tâche.
Il sera finalement berné, mais gardera sa bonne humeur. La vie continue et, comme il le proclame, «le monde entier n’est qu’une farce.
L’homme est né bouffon»! «Falstaff» est le dernier opéra de Verdi. On connaît ses terribles et merveilleuses tragédies. Mais voilà que le vieux monsieur (il a alors 80 ans), au sommet de sa gloire et qui a déjà tout prouvé, se lance un défi: faire rire! Pari gagnant. Surtout grâce à une extraordinaire partition: elle est non seulement comme un récapitulatif transcendé de tout ce qu’il a écrit jusqu’alors, mais il en joue dans de savoureuses autocitations, des auto-parodies, des détournements. Et tout cela est immensément créatif !
Des instruments qui «chantent» avec les solistes
Mais si cette fête de la partition a bien eu lieu, c’est que Daniele Rustioni, à la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Lyon, a été un magnifique passeur de cette musique-là. Quelle précision dans sa direction, quelles belles impulsions, quelle belle mise en valeur de ces instruments qui «chantent» avec les solistes. L’oeuvre est drôle dans ses notes! Et pour que cette fête-là batte son plein, Barrie Kosky l’a inscrite dans une mise en scène tout aussi réjouissante. Inventive, rythmée, belle à voir, pertinente et cohérente, riche en surprises de tous types.
Cela peut résider dans les détails: un jeu de perruques, la présence de figurants à l’immobilité et au silence expressifs, la lecture langoureuse de somptueuses recettes de cuisine pendant les «entre-actes». C’est particulièrement vrai dans une mise en espace très judicieuse, qui galope comme dans les films burlesques. C’est dans le costume bariolé – genre papier peint – de Falstaff. C’est surtout dans une remarquable direction d’acteurs. On est surpris, on est convaincus, on est heureux.
Christopher Purves impose un Falstaff shakespearien, rabelaisien même. Il occupe le plateau de son exubérante suffisance, corps et voix. Stéphane Degout fait preuve d’un même engagement bienvenu en Ford. On connaît la sûreté de sa voix, on s’amuse de ses qualités mimiques et gestuelles. Giulia Semenzato a tous les élans, tous les désirs encore naïfs, de la jeune Nannetta, Daniela Barcellona est absolument savoureuse en Mrs Quickly l’entremetteuse, sans oublier le jeune amoureux transi qu’est Juan Francisco Gatell-Fenton. Oui, la fête est belle!
Représentations à l’Archevêché les 10 et 13 juillet à 21.30 heures.
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