La contestation s’envenime en Belgique
A Bruxelles, une manifestation s’ajoute à la confusion née du dernier Comité de concertation
Une manifestation baptisée «Marche pour la Liberté Acte 2» a rassemblé quelque 8.000 personnes dimanche dans les rues de Bruxelles, trois semaines après une précédente action de protestation qui s’était terminée par des affrontements violents entre casseurs et policiers. 35.000 manifestants avaient alors été dénombrés.
Sur les calicots d’un public divers, mêlant une majorité de citoyens lambda à des activistes issus de mouvements radicaux, on pouvait lire des slogans le plus souvent dirigés contre la vaccination. «Non aux ultravax!». «vaccin= svastika». «Pas de vaccin pour les enfants». En début de cortège, une marcheuse disait «approuver la vaccination pour les personnes à risque, mais rejeter la vaccination obligatoire». Jusqu’à présent, cette mesure n’est toutefois pas d’application. L’obligation du Covid Safe Ticket (CST, pass sanitaire) dans certains lieux était également dénoncée.
Si la foule était moins dense cette fois et encadrée de près par la police, des heurts ont malgré tout éclaté aux alentours du RondPoint Schuman. Les policiers ont répliqué aux projectiles par le canon à eau.
Auparavant, l’Organe de coordination pour l’analyse de la menace (Ocam) avait mis en garde contre la résistance aux mesures sanitaires qui s’est accrue ces derniers mois et «mène à davantage de polarisation, d’extrémisme et de menaces».
«Absurde, stupide»
Le ras-le-bol de ces protestataires s’est exprimé au surlendemain d’un Comité de concertation («codeco») plus que confus, au cours duquel de nouvelles mesures anticovid aussitôt contestées ont été prises. Tout au long du week-end, la limitation à 200 du nombre de spectateurs lors d’événements tenus à l’intérieur a fait polémique. L’Orchestre philarmonique de Liège ainsi, qui met habituellement mille places à disposition de son public, a menacé d’annuler ses représentations de fin d’année.
Autre sujet de discorde: le masque imposé dès ce lundi aux enfants à partir six ans (en classe, mais aussi partout où il était déjà de rigueur à 12 ans) contraint les parents au bricolage. Les protections buccales adaptées aux petits font en effet défaut sur le marché belge.
La contestation des nouvelles mesures a pris par ailleurs une tournure inhabituelle dans le chef du monde scientifique. Le virologue (et porte-parole interfédéral covid 19) Yves Van Laethem a jugé «absurde, stupide» la décision de ne mettre les écoles sur pause que dans deux semaines, le 18 décembre. Comme d’autres experts conseillant le gouvernement fédéral, il estime que les classes de primaire auraient dû être fermées immédiatement pour stopper les contaminations.
Saint-Nicolas à Anvers
A la décharge du Comité de concertation, les contaminations et les hospitalisations semblent avoir atteint un «plateau». Une légère baisse est même constatée, mais doit encore être confirmée dans les prochains jours.
La critique ne s’arrête toutefois pas là. La presse a relayé le déroulement plus que houleux du Comité de concertation de vendredi. Les engueulades entre ministres se sont multipliées. Des noms d’oiseau ont volé. Les divergences sur les mesures anticovid sont apparues plus profondes que jamais entre les partis au pouvoir. Sur le plateau de RTL-TVi, la ministre francophone de l’Education Caroline Désir a tourné le dos à ses partenaires de coalition en lançant un message solennel aux jeunes en âge scolaire: ce n’est pas de leur faute et elle ne les abandonnera pas.
Le ministre de la Santé Frank Vandenbroucke lui a renvoyé la balle en demandant aux enfants de «contribuer un peu» à la lutte contre la pandémie. 336.000 doses du vaccin Pfizer destinées aux 5-11 ans seront livrées durant ce mois à la Belgique, en avance sur l’avis que doit encore rendre le Comité de bioéthique.
Une indiscrétion relayée dans les médias a achevé de discréditer ce dernier Comité de concertation. La demande pressante du ministre-président flamand Jan Jambon (N-VA) d’organiser ce énième «codeco» alors que les chiffres semblaient se tasser lui aurait été inspirée par Bart De Wever, son président de parti qui est aussi bourgmestre d’Anvers. De Wever aurait eu des scrupules électoralistes à annuler lui-même une SaintNicolas qui devait rassembler plusieurs milliers d’enfants au Sport Paleis d’Anvers. La majorité gouvernementale du Premier ministre Alexander De Croo aurait donc pris sur elle d’interdire ce type d’événement. Elle n’aurait plus eu qu’à faire le «sale boulot».