Un cercle de bâtisseurs
Le tiers-lieu culturel Bâtiment 4 d’Esch/Alzette, inauguré ce week-end, va faire connaissance avec son public
Ils sont quatre partenaires à investir les lieux qui leurs sont confiés: l’association Centre Ecological Learning Luxembourg (le mouvement de la transition au Luxembourg), Independent Little Lies et Richtung 22 (collectifs d’artistes) et Hariko (service du programme Jeunesse de la Croix-Rouge).
Le Bâtiment 4 du domaine Schlassgoart d’Esch/Alzette – qui jadis était occupé par la direction d’ArcelorMittal Schifflange – est mis à disposition par le groupe sidérurgique. La nouvelle structure est financièrement soutenue par l’association frEsch, créée par la Ville d’Esch/Alzette dans le but de soutenir sa stratégie culturelle pour les années à venir. Pour 2021, l’aide financière s’est élevée à 370.000 euros, auxquels viennent s’ajouter 800.000 euros pour les travaux de rénovations. En 2022 – lorsque Esch et les communes voisines seront Capitale européenne de la Culture -, un montant de 650.000 euros sera alloué.
Le Bâtiment 4 est devenu un tiers-lieu culturel – aux côtés du FerroFerrum et du Cultural Hub+/Vestiaires, suite à l’appel à projets lancé par l’OEuvre nationale de secours Grande-Duchesse, Cette dernière ainsi qu’Esch 2022 ont alloué aux Eschois un budget supplémentaire de 400.000 euros mettre sur rail cette nouvelle initiative culturelle au Schlassgoart.
Donc, même si son fonctionnement est largement soutenu financièrement par différents partenaires, la gestion et avant tout la programmation artistique au quotidien du Bâtiment 4 incombe aux seuls quatre associations ou collectifs, qui se définissent comme des bâtisseurs. L’asbl frEsch met quant à elle de plus à disposition quatre facilitateurs pour le volet administratif.
Les quatre occupants de la première heure ont signé une charte de bonne conduite, qui stipule entres autres que «les décisions sont prises collectivement et la co-création et la transversalité sont toujours recherchées», «la création artistique [est] un moteur de l’innovation sociale... un lieu de recherche, un laboratoire... de partage, de participation citoyenne...»
Un fonctionnement circulaire
De cette volonté de décider de l’avenir du lieu de manière commune et concertée découle en toute logique un mode de fonctionnement circulaire où chacun est «invité à s’impliquer et s’exprimer à travers des cercles et un plénum mensuel», insistent les bâtisseurs. Gouvernance, vie de lieu, médiation, finances, groupes de travail... les espaces de réflexions, de discussions et d’échanges prévus dès le départ sont nombreux.
Leur concept bien en place, des idées et des rêves – plein la tête –, les bâtisseurs, qui avant de se retrouver au Schlassgoart, ne se connaissaient pas forcément et ne s’étaient pas retrouvés sous une bannière commune, découvrent la joie et l’enthousiasme de créer du neuf à partir du vieux. Le Bâtiment 4, avec des 3.000 m2 de surfaces, en a déjà vu de toutes les couleurs depuis sa mise au repos en 2001. Laissé à l’abandon depuis, le bâtiment à l’architecture si particulière a dû être largement rénové afin de respecter les normes techniques actuelles. Quelques vestiges de l’exposition éphémère du collectif Cueva ont été conservés. Le mot d’ordre a semble-t-il été de laisser les innombrables pièces du bâtiment dans leur jus. Ce qui confère à l’ensemble un charme, une atmosphère particulières.
Les escaliers, les boiseries de certains anciens bureaux ont été préservés. La rénovation et la mise en conformité, ainsi qu’un accès garanti aux personnes à mobilité réduite, restent discrets. Comme bien souvent dans de telles structures, le mobilier installé est le fruit d’un travail de récupération intense. Différents pièces sont encore en travaux, à quelques jours de l’arrivée des premiers visiteurs. «Il n’est pas nécessaire que toutes les installations soient terminées pour l’ouverture», expliquent en choeur Sandy Artuso (ILL) et Anne Braun (Hariko).
Chaque partenaire disposera de ses propres salles. Là encore, la flexibilité sera de mise. En cas de non-occupation, ces mêmes salles pourront être prêtées aux collègues.
La majorité des pièces – à quelques exceptions près, celle réservée à la danse est dotée d’un revêtement de sol approprié, un coin salon est garni de quelques sièges et tables, tout comme les futurs espaces de coworking – sont dépourvues de meubles ou installations techniques. Histoire de pouvoir être adaptées ultérieurement à toutes possibles utilisations.
Les nombreux couloirs sont d’ores et déjà transformés en salles d’expositions pour les artistes invités par Hariko à venir s’installer ici. «Ces artistes organisent de nombreuses ateliers et autres manifestations que nous proposons à nos publics. Il faut aussi leur donner la possibilité d’exposer leurs oeuvres», note Joëlle Daubenfeld,
Art, solidarité, participation, inclusion et écoresponsabilité sont les mots-clefs du Bâtiment 4, qui, entre passé et présent au Schlassgoart d’Esch, entend au travers de multiples propositions donner un sens nouveau à la pratique culturelle. Les moyens ne manquent pas.
la responsable artistique du projet Hariko.
Des fenêtres ouvertes sur l’avenir
Autre constat: tous les espaces ne seront pas occupés dès le coup d’envoi du Bâtiment 4. Se laisser de la marge, des fenêtres ouvertes pour les semaines et mois à venir, ne pas vouloir surcharger la programmation dès le départ sont autant d’impératifs imposés par le label «tiers-lieux culturels». Une contrainte acceptée, qui doit cultiver en permanence le dialogue autour d’idées nouvelles.
Lieu d’expositions, de répétitions, d’ateliers, le Bâtiment 4 aspire à dépasser le cadre habituel de toutes pratiques culturelles, devenir un espace de rencontres, d’échanges et de recherches où «chaque personnes peut participer à des activités régulières ou ponctuelles.» Il n’est pas exclu d’élargir l’offre autour de bâtisseurs invités ou d’autres associations, à condition pourtant que tous ces potentiels partenaires adhèrent à la philosophie de la nouvelle structure, qui après la Konschthal et avant le Bridderhaus, constitue le troisième pilier de l’asbl frEsch.