Luxemburger Wort

Le rêve américain de «Chico» Rohmann

Le défenseur central raconte son aventure à San Diego quelques heures avant la finale de Maxime Chanot

- Par Christophe Nadin

Ses yeux pétillent pendant qu'il tourne les pages de l'album rouge. Celui consacré à son aventure américaine. On y trouve des photos et des coupures de presse. En français, en allemand ou en anglais. Nico Rohmann s'y replonge avec gourmandis­e. Et un franc sourire qui valide quarante ans plus tard ce choix de carrière. «Nico Braun avait aussi reçu une offre des EtatsUnis, mais il l'a déclinée. Je crois qu'il le regrette…»

Le buteur en série du FC Metz au coeur des années 70 débarqua à Charleroi en 1978. En même temps que «Chico» Rohmann. «Notre première saison fut bonne avec des victoires contre Anderlecht et le FC Bruges à domicile, mais la seconde fut plus chaotique avec à la clef une descente en Division 2», se souvient le libéro que le club carolo ne retient pas.

A quelque chose malheur est bon puisque quelques mois avant ça, le grand défenseur central a tapé dans l'oeil des recruteurs des San Diego Sockers venus prospecter en Europe. «On jouait ce soir-là avec l'équipe nationale face à la Suède à la Frontière un match de qualificat­ion pour l'Euro 80. On les a tenu en échec (1-1). A l'image de l'équipe, j'avais été très bon.»

«Müller était un chic type»

En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, «Chico» saute dans l'avion en avril 1980. Direction la Californie. «Ma femme était enceinte et j'ai passé les six premiers mois seuls là-bas. On nous donnait 600 dollars avec lesquels on louait un appartemen­t. C'était pas mal pour l'époque.»

Depuis quelques années, le soccer tente une percée dans un décor que le basket, le football américain et le base-ball occupent sans partage. La NASL, ancêtre de l'actuelle MLS, attire les plus grandes stars de l'époque comme Pelé, Carlos Alberto, Johan Cruyff ou Franz Beckenbaue­r. Puis d'autres très bons joueurs européens. On se souviendra de Giorgio Chinaglia, de Johan Neeskens, de George Best ou encore de Gerd Müller, légende du Bayern Munich venu finir sa carrière outre-Atlantique. «Gerd était un chic type. Beckenbaue­r, lui, disait juste bonjour.»

La facilité de la langue jette des ponts entre étrangers et Rohmann finit ainsi un soir de match à Fort Lauderdale où il partage un repas avec «Der Bomber» dans son restaurant en Floride. «Mais il ne faut pas croire que le championna­t de l'époque était une maison de retraite. Hugo Sanchez n'avait que 22 ans quand il est arrivé chez nous. Il y avait un vrai esprit de compétitio­n et mes coéquipier­s allemands de l'époque disaient qu'on valait une

Nico Rohmann a été sacré champion des Etats-Unis indoor avec les San Diego Sockers. Aujourd'hui le défenseur central se souvient avec plaisir de son aventure américaine. équipe de milieu de classement en Bundesliga.»

Et bien mieux dans le championna­t américain puisque les Sockers de «Chico» Rohmann s'offrent deux finales de Conférence en 1980 et en 1981 puis une demi-finale perdue face au Cosmos de New York en 1982.

«C'est en 1981 que j'ai le plus de regrets car on décroche un match d'appui contre les Chicago Sting et ça se termine aux penalty shootout.» L'exercice ressemble fort à ce qui se fait aujourd'hui en hockeysur-gazon. Le joueur dispose de cinq secondes pour tromper le gardien. «J'en veux à l'entraîneur qui a opéré des mauvais choix ce jour-là. Moi, je n'étais pas très doué dans cet exercice mais j'ai pris mes responsabi­lités et j'ai raté.»

La consolatio­n en salle

La pilule digérée, la saison en salle permettait à une partie de l'équipe de se remettre en selle. «Et là, on était les meilleurs», se souvient avec malice le Rumelangeo­is sacré deux fois champion des Etats-Unis. «Je n'avais pas la morphologi­e d'un joueur de salle, mais je me débrouilla­is pas mal. C'était un format où l'on jouait avec les bords et il n'y avait pas d'interrupti­on. On sortait toutes les deux ou trois minutes pour souffler.»

Il ne faut pas croire que le championna­t de l'époque était une maison de retraite. Nico Rohmann

Je n’avais pas la morphologi­e d’un joueur de salle, mais je me débrouilla­is pas mal. Nico Rohmann

Il n'était pas rare que 10.000 personnes assistent à ce spectacle qui se jouait dans des stades habituelle­ment fréquentés par des basketteur­s ou des hockeyeurs mais que la magie transforma­it en quelques heures. Cette folie des grandeurs reste vive dans l'esprit de Rohmann qui se rappelle de tous ces voyages en avion, de ces tennis-ballon avec son pote polonais, le fantasque Kazimierz Deyna dans des vestiaires «grands comme un terrain» ou «sur le toit d'un hôtel à Chicago».

Puis il fut temps de rentrer au pays pour embrasser une carrière profession­nelle à la banque puis pour consumer sa passion du ballon rond jusqu'au bout. «Enfin, pas tout à fait puisque quand je suis revenu à la Jeunesse, je me suis donné une blessure à un genou qui ne m'a pas laissé d'autres choix que celui d'arrêter.»

Et ça à quelques semaines d'une confrontat­ion avec la Juventus. Frustrant pour ce fils d'une maman italienne, qui refait les matches aujourd'hui avec son pote et cousin Furio Cardoni quand il n'affûte pas, à 69 ans, sa condition sur son VTT trois à quatre fois par semaine.

«Mais depuis que mes deux fils ne jouent plus, je ne vais plus au stade. Je préfère regarder les matches à la télévision», confesse celui qui jettera un coup d'oeil à la finale de Maxime Chanot qui se jouera samedi soir (21h00).

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Photos: Privé / Stéphane Guillaume

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