Luxemburger Wort

L’hôpital belge est malade

Des unités ferment un peu partout faute de soignants alors que la mortalité due au virus augmente

- Par Max Helleff (Bruxelles)

C’est du jamais vu: la clinique André Renard d’ Herstal (province de Liège) a décidé de fermer ses urgences pour quatre jours. Elles ne rouvriront que ce lundi. «Depuis plus de 2 ans, l’ensemble du personnel hospitalie­r réalise la plus grosse part de l’effort que la lutte contre la Covid-19 exige», a expliqué la direction de la clinique. «On a épuisé toutes les ressources qui nous permettent d’assumer nos missions d’hôpital général, on arrive au bout de ce qui est humainemen­t possible de supporter».

Par ailleurs, d’ici lundi, l’activité chirurgica­le sera réduite aux interventi­ons essentiell­es. «Nous sommes parfaiteme­nt conscients que cela ne va rien résoudre durablemen­t», explique la direction de l’hôpital. «Sans une revalorisa­tion de la profession, la situation va s’aggraver dans les prochains mois, des mesures structurel­les sont indispensa­bles au plus vite».

Sur le terrain la grogne monte

Ce qui ressemble à un coup de gueule et à un geste de désespoir est ici justifié par le manque de personnel soignant, miné par la fatigue et l’absentéism­e alors que la quatrième vague pandémique sollicite les hôpitaux. Un peu partout, des unités ferment faute de disposer d’un personnel médical suffisamme­nt nombreux. Dans ce contexte, la fermeture des urgences d’Herstal passe pour symbolique, dès lors qu’elles accueillen­t théoriquem­ent des malades dont l’état nécessite d’être pris rapidement en charge. Le cabinet du ministre de la Santé, Frank Vandenbrou­cke, prend mal la décision de l’hôpital liégeois et se fait menaçant: «Chaque fois que l’hôpital va refuser de prendre en charge un patient transmis par le 112, l’inspecteur d’hygiène du SPF Santé publique pourra établir un PV pour infraction à la loi de 1964 sur l’aide médicale urgente et l’envoyer au parquet ainsi qu’à la clinique André Renard». Sur le terrain, la grogne monte. Les infirmiers et les infirmière­s mettent en avant leur épuisement et la désaffecti­on d’un nombre toujours plus important de collègues au bout du rouleau. Le plan gouverneme­ntal qui devait revalorise­r le métier à renfort d’argent n’a été qu’en partie mis en applicatio­n, protestent-ils, laissant le personnel soignant dans l’attente des augmentati­ons salariales promises.

Pourtant, la Belgique n’a jamais eu autant besoin de ses soignants. Si les chiffres pandémique­s montrent une légère baisse des contaminat­ions et des hospitalis­ations, le nombre de malades en soins intensifs se stabilise à 827 (la limite à ne pas dépasser est de 1.200) alors que le nombre de morts augmente pour atteindre les 49 décès par jour (+11 %). Courbes et statistiqu­es confirment que les infirmiers et les infirmière­s font davantage face en ce moment à des cas critiques qui demandent une assistance permanente pour être maintenus en vie.

Un quotidien douloureux

Des témoignage­s et des reportages rapportent le quotidien douloureux de soignants qui font le «tri» aux soins intensifs entre les patients, décident de qui «sera ou non retourné ou intubé», flanchent devant leur propre impuissanc­e …

Cette situation relance la question de savoir s’il faut soigner les vaccinés et les non-vaccinés sur un même pied d’égalité. Poser ce dilemme, qui cadre mal avec le serment d’Hippocrate, se justifie toutefois selon une partie du corps médical qui évoque une éthique à la carte, adaptable dès lors que la situation pandémique l’exige. La pression augmente ainsi un peu plus chaque jour sur les non-vaccinés.

Les difficulté­s des hôpitaux ne s’arrêtent pas à la fatigue du personnel et aux difficulté­s de recrutemen­t. Leurs caisses sont vides, ou presque, dans certains régions du pays. En cause: la diminution des rentrées financière­s consécutiv­e à la baisse des admissions classiques et des hospitalis­ations de jour en chirurgie (-18,2 %). Cette baisse est toutefois moindre que lors de la seconde vague où 40 à 60 % des soins ont été facturés en moins par rapport à une période équivalent­e hors covid.

Dans la «Libre Belgique», un chef de clinique en arrive à douter de la mise à dispositio­n d’un nombre de lits de soins intensifs trop important à son goût. «Pour mon hôpital, à Godinne, plus de cent interventi­ons ont été annulées cette semaine alors que onze lits USI (unité de soins intensifs) ne sont pas utilisés sur la région de Namur. Est-ce éthiquemen­t tolérable?», s’interroge-t-il.

Les interventi­ons de l’Etat (fédéral et régions) ont permis jusqu’à présent de tenir les établissem­ents hospitalie­rs la tête hors de l’eau: en 2020, 1,43 milliard d’euros d’aides publiques leur ont été versés. Mais leur situation est précaire, les équilibres financiers des hôpitaux fragiles.

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Photo: dpa Caisses vides, problèmes de recrutemen­t et épuisement du personnel soignant: les hôpitaux belges accumulent les difficulté­s.

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