L’horizon s’éclaircit
Une nouvelle dotation budgétaire va pérenniser l’action de l’ensemble de musique contemporaine Lucilin
La présentation du budget 2022 en octobre n’est pas passée inaperçue au Carré d’Hollerich, là où l’ensemble de musique contemporaine Lucilin a – encore – élu domicile. Une ligne du volumineux texte apporte de l’espoir aux musiciens: «Participation au financement des activités de l’ensemble professionnel de musique contemporaine: United Instruments of Lucilin». Jusque-là, l’ensemble bénéficiait d’un subside annuel (convention) issu de la ligne générale «secteur conventionné» du ministère de la Culture. Ce nouveau poste budgétaire se traduit par une manne financière de l’Etat conséquente: 500.000 euros en 2022, 750.000 en 2023, 1.000.000 en 2024 et finalement 1.250.000 en 2025. En 2021, Lucilin a reçu une aide de 250.000 euros.
En quoi cette nouvelle situation financière va modifier la donne pour le groupe de musiciens? Eléments de réponses.
«On travaille comme des fous, on a atteint nos limites. Si on commence à stagner, on finit par régresser», explique l’altiste Danielle Hennicot. «Tous les jours on rate des opportunités de nouveaux projets que l’on pourrait faire», rajoute Florence Martin, la directrice administrative de Lucilin. «On est sans doute victimes de notre propre succès, c’est vrai. Qu’allons-nous pouvoir faire dans cinq ou dix ans? Il faut pouvoir assurer notre avenir. Donc, cette nouvelle situation était attendue et surtout voulue», insiste le percussionniste Guy Frisch, directeur artistique et – aux côtés de Danielle Hennicot et d’autres musiciens – membre de la première heure de Luciln, cet ensemble qui depuis de nombreuses années ne cesse de marquer sa présence au Luxembourg,
mais aussi à l’étranger. Il en va de la notoriété et de la survie de l’ensemble, s’accordent à dire Guy Frisch, Danielle Hennicot et Florence Martin.
Fort de ce constat, musiciens et responsables de l’ensemble ont défendu leurs arguments auprès du ministère de la Culture, qui a donc répondu à l’appel. «Je crois en la nécessité d’un ensemble de musique contemporaine au Luxembourg», clame haut et fort Guy Frisch. D’où l’importance de continuer à bâtir sur des bases solides, insiste le directeur artistique.
Inspiration venue de l’étranger
Florence Martin, quant à elle, précise. «En présentant un dossier complet, nous nous sommes inspirés de la situation d’ensembles comparables à nous à l’étranger. Avec tous nos projets, ici et là, nous n’avons pas à rougir...»
Le ministère de la Culture vient donc d’entériner un soutien financier conséquent et de longue haleine. En l’espace de cinq années seulement, le budget va quintupler. A quelles fins seront destinés les apports financiers à venir?
Lucilin deviendra-t-il, aux côtés de l’OPL, le deuxième orchestre professionnel du pays? Guy Frisch apporte une première précision: «Nous ne sommes pas un orchestre, mais bien un ensemble» avec toutes les différences que cette clarification implique.
«Je préfère parler d’ensemble permanent», fait valoir Florence Martin en pointant du doigt un important changement qui va s’observer dans les semaines et mois à venir. Jusque-là, les concerts étaient l’apanage d’un ensemble de musiciens choisis pour l’occasion, autour d’un noyau dur. Ceux-ci, en plus de leurs engagements professionnels fixes – souvent dans l’enseignement –, faisaient avec Lucilin en quelque sorte des extras, «qui ne permettaient pas aux musiciens d’en vivre. Pour les jeunes qui se lancent dans leur carrière, la situation est encore plus compliquée», signale Florence Martin.
Dorénavant, l’ensemble va proposer à des musiciens des contrats avec une promesse d’un certain nombre de concerts par an, annonce Danielle Hennicot. «Ils ne seront pourtant pas salariés de Lucilin, il nous rejoindront sous le statut de musicien indépendant», explique Guy Frisch, «nous proposons aux musiciens, à eux ensuite d’accepter».
Cette nouvelle forme de collaboration pourrait concerner six ou douze musiciens, d’anciens collaborateurs ou de jeunes talents, recrutés sur concours. Les détails exacts et d’ordre technique de cette nouvelle procédure restent à clarifier. «Il y a un chemin idéal à trouver, mais le but est bien d’apporter beaucoup de visibilité et sécurité – notamment financière – aux musiciens», clarifie Florence Martin.
Avec un effectif garanti, l’ensemble espère pouvoir prévoir ses activités à long terme. Changer d’échelle, aller plus loin, accroître la visibilité de la formation, donc aussi être capable de mieux «vendre» ses projets: les nouvelles ambitions de Lucilin ne manquent pas.
Aller chercher les jeunes
Ces nouvelles ressources financières seront aussi utilisées pour des activités pédagogiques et de promotions – donc moins sources de recettes. Alors que Lucilin organise depuis plusieurs années, dans le cadre du festival «Rainy Days» – une académie pour jeunes compositeurs, un pendant pour de jeunes interprètes devrait prochainement voir le jour.
L’équipe en place depuis tant d’années est bien consciente que la question de la relève doit être abordée. Motiver des jeunes musiciens est un travail de longue haleine. Danielle Hennicot note un vrai intérêt pour la musique d’aujourd’hui. «Si je prends mon instrument, l’alto, comme exemple: le répertoire est limité. C’est pourquoi, nombreux sont ceux qui s’intéressent à la musique contemporaine pour faire de nouvelles expériences ou travailler avec des compositeurs vivants. C’est vrai aussi, que les jeunes il faut aller les chercher...»
Au-delà des questions d’argent, une autre éternelle interrogation plane sur le Carré Hollerich. Maintes fois annoncée, la réaffectation des lieux est régulièrement repoussée. De quoi laisser un peu de répit aux musiciens, qui en l’absence d’échéance précise, se résignent à profiter de l’instant présent dans leur port d’attache toujours aussi éphémère. «Et pourtant on cherche une solution», confie Florence Martin. En attendant les pelleteuses...
On travaille comme des fous, on a atteint nos limites. Si on commence à stagner, on finit par régresser. Danielle Hennicot, altiste et membre fondatrice de Lucilin
Pour tout savoir sur l’ensemble: www.lucilin.lu