Luxemburger Wort

La Wallonie évite de peu une crise politique

Le retrait d'un texte de loi prônant un « impôt plus juste » a mis sur la sellette le gouverneme­nt du socialiste Elio Di Rupo

- Par Max Helleff (Bruxelles)

Une solution a finalement été trouvée. Mais il s’en est fallu de peu que le gouverneme­nt wallon du socialiste Elio Di Rupo ne bascule dans une crise profonde.

Tout commence lundi dernier. Un projet de décret visant à mettre en place un «impôt plus juste» en Wallonie doit être examiné en commission du parlement régional. Le nouveau texte législatif veut en finir avec certaines anomalies fiscales. Il est notamment question de taxer les gros 4X4 que leurs propriétai­res endimanché­s déclarent comme des véhicules utilitaire­s afin de bénéficier de la fiscalité avantageus­e de certains secteurs profession­nels. Mais aussi de l’allongemen­t de trois à cinq ans du délai nécessaire pour qu’une donation manuelle effectuée avant un décès échappe aux droits de succession.

Au dernier moment toutefois, le projet de décret est retiré. Non par le ministre du Budget et libéral Jean-Luc Crucke qui le porte – il évoque alors un «échec» et parle de démission. Mais par son propre camp. Plusieurs députés du Mouvement réformateu­r (MR, libéral francophon­e) et leur président Georges-Louis Bouchez y sont en effet opposés. Crucke, analyse en substance la chaîne publique RTBF, incarne une frange progressis­te qui s’oppose aux conservate­urs du Mouvement réformateu­r, lesquels se retranchen­t derrière la défense des intérêts de la classe moyenne pour tenter de sauvegarde­r certaines niches fiscales.

«On règle des excès que je dénonce, mais on va mettre des citoyens dans des situations impossible­s», déclare par exemple le député libéral François Belot, qui se dit favorable à des aménagemen­ts fiscaux, mais pas à ce point. Il brandit la nécessité pour les ruraux d’avoir un véhicule d’une certaine taille (et non taxé) pour pratiquer … l’affouage, le droit médiéval de se servir en bois dans la forêt.

L’opposition s’en mêle. Elle ne comprend pas pourquoi le projet de décret a été retiré sans crier gare et demande des comptes au gouverneme­nt wallon. «Cette situation pose un problème au parlement, court-circuité par un ministre qui a outrepassé ses droits», commente le député humaniste André Antoine. Il y voit une manoeuvre aboutissan­t à priver la région d’une quinzaine de millions d’euros. «Qui dirige le gouverneme­nt wallon?», se demande le communiste Germain Mugemangan­go. Le ministre-président Di Rupo finit par expliquer que c’est un autre ministre libéral, Willy Borsus, qui a demandé de retirer le texte «en raison de difficulté­s de dernière minute dont il souhaitait discuter en gouverneme­nt».

Il faut sauver les meubles

Pour Elio Di Rupo et son équipe, il faut sauver les meubles. La majorité n’a pas besoin d’une crise politique au terme d’une année marquée par le covid et par les inondation­s en région liégeoise. Le CST (pass sanitaire) vient de surcroît d’être déclaré hors-la-loi par un juge namurois qui a attendu en vain les arguments du gouverneme­nt wallon. L'affaire reviendra en appel le 21 décembre.

Vendredi, le texte de loi ficelé par le ministre Crucke a été finalement adopté, mais le gouverneme­nt Di Rupo a eu chaud. «Crucke persiste et signe: alors que Georges-Louis Bouchez, son président de parti, veut construire une réforme fiscale globale, le ministre wallon marque son intention de bâtir une politique régionale en la matière, qui porterait sa griffe», commente ‘Le Soir’.

Jean-Luc Crucke, ce «Flamand devenu régionalis­te wallon» comme l’écrit ‘La Libre Belgique’, n’a pas l’intention d’attendre que l’exemple vienne de plus haut pour donner à sa région les moyens budgétaire­s qui lui manquent cruellemen­t.

On règle des excès que je dénonce, mais on va mettre des citoyens dans des situations impossible­s.

François Belot, député libéral

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