La Wallonie évite de peu une crise politique
Le retrait d'un texte de loi prônant un « impôt plus juste » a mis sur la sellette le gouvernement du socialiste Elio Di Rupo
Une solution a finalement été trouvée. Mais il s’en est fallu de peu que le gouvernement wallon du socialiste Elio Di Rupo ne bascule dans une crise profonde.
Tout commence lundi dernier. Un projet de décret visant à mettre en place un «impôt plus juste» en Wallonie doit être examiné en commission du parlement régional. Le nouveau texte législatif veut en finir avec certaines anomalies fiscales. Il est notamment question de taxer les gros 4X4 que leurs propriétaires endimanchés déclarent comme des véhicules utilitaires afin de bénéficier de la fiscalité avantageuse de certains secteurs professionnels. Mais aussi de l’allongement de trois à cinq ans du délai nécessaire pour qu’une donation manuelle effectuée avant un décès échappe aux droits de succession.
Au dernier moment toutefois, le projet de décret est retiré. Non par le ministre du Budget et libéral Jean-Luc Crucke qui le porte – il évoque alors un «échec» et parle de démission. Mais par son propre camp. Plusieurs députés du Mouvement réformateur (MR, libéral francophone) et leur président Georges-Louis Bouchez y sont en effet opposés. Crucke, analyse en substance la chaîne publique RTBF, incarne une frange progressiste qui s’oppose aux conservateurs du Mouvement réformateur, lesquels se retranchent derrière la défense des intérêts de la classe moyenne pour tenter de sauvegarder certaines niches fiscales.
«On règle des excès que je dénonce, mais on va mettre des citoyens dans des situations impossibles», déclare par exemple le député libéral François Belot, qui se dit favorable à des aménagements fiscaux, mais pas à ce point. Il brandit la nécessité pour les ruraux d’avoir un véhicule d’une certaine taille (et non taxé) pour pratiquer … l’affouage, le droit médiéval de se servir en bois dans la forêt.
L’opposition s’en mêle. Elle ne comprend pas pourquoi le projet de décret a été retiré sans crier gare et demande des comptes au gouvernement wallon. «Cette situation pose un problème au parlement, court-circuité par un ministre qui a outrepassé ses droits», commente le député humaniste André Antoine. Il y voit une manoeuvre aboutissant à priver la région d’une quinzaine de millions d’euros. «Qui dirige le gouvernement wallon?», se demande le communiste Germain Mugemangango. Le ministre-président Di Rupo finit par expliquer que c’est un autre ministre libéral, Willy Borsus, qui a demandé de retirer le texte «en raison de difficultés de dernière minute dont il souhaitait discuter en gouvernement».
Il faut sauver les meubles
Pour Elio Di Rupo et son équipe, il faut sauver les meubles. La majorité n’a pas besoin d’une crise politique au terme d’une année marquée par le covid et par les inondations en région liégeoise. Le CST (pass sanitaire) vient de surcroît d’être déclaré hors-la-loi par un juge namurois qui a attendu en vain les arguments du gouvernement wallon. L'affaire reviendra en appel le 21 décembre.
Vendredi, le texte de loi ficelé par le ministre Crucke a été finalement adopté, mais le gouvernement Di Rupo a eu chaud. «Crucke persiste et signe: alors que Georges-Louis Bouchez, son président de parti, veut construire une réforme fiscale globale, le ministre wallon marque son intention de bâtir une politique régionale en la matière, qui porterait sa griffe», commente ‘Le Soir’.
Jean-Luc Crucke, ce «Flamand devenu régionaliste wallon» comme l’écrit ‘La Libre Belgique’, n’a pas l’intention d’attendre que l’exemple vienne de plus haut pour donner à sa région les moyens budgétaires qui lui manquent cruellement.
On règle des excès que je dénonce, mais on va mettre des citoyens dans des situations impossibles.
François Belot, député libéral