L’antiterrorisme belge étrillé à Paris
Le procès des attentats du 13 novembre 2015 vaut aux enquêteurs une nouvelle volée de critiques après avoir été entendus depuis Bruxelles
La polémique s’est invitée à plusieurs reprises ces dernières semaines autour des policiers belges appelés à s’exprimer dans le cadre du méga-procès des attentats de Paris.
Tout avait pourtant bien commencé. La participation de la police belge à l’enquête avait d'abord été jugée exemplaire par l'ancien procureur de Paris François Molins. Mais l’ex-président français François Hollande, au pouvoir en 2015 lorsque les attentats parisiens ont été perpétrés, avait rapidement douché les Belges en estimant que la fuite de Salah Abdeslam vers la Belgique après les attentats n'était «pas la responsabilité de la France» mais «celle d'un autre pays».
Parallèlement, il a été décidé que les enquêteurs belges devraient témoigner par visioconférence depuis la Belgique, sous nom de code et avec la possibilité de porter un masque buccal. La requête du procureur fédéral belge Frédéric Van Leeuw visant à protéger l’identité des policiers de la division antiterrorisme DR3 a été acceptée par le président de la cour d'assises spéciale de Paris, Jean-Louis Périès. Les législations belge et française garantissent en effet l'anonymat des enquêteurs et des unités spéciales.
Les défenseurs parlent d'irrespect Cette précaution est toutefois mal passée auprès des parties civiles. Les avocats de la défense ont désigné l’absence physique des policiers belges à la cour d’assises comme un manque de respect pour les victimes. Des accusés ont refusé d’entrer dans le box pour protester.
De son côté, le parquet fédéral belge s’est retranché derrière la préservation de l’anonymat des enquêteurs, mais aussi derrière les gestes barrières qu’implique la pandémie.
Les critiques ne se sont pas arrêtées là. Les policiers belges ont été accusés de pratiquer en permanence la langue de bois, de «saucissonner» leurs réponses et de botter en touche.
Pour Gérard Chemla, un avocat rémois représentant de nombreuses victimes, «un procès d’assises est fait pour qu’apparaisse la manifestation de la vérité dans sa globalité et ce dans l’intérêt de toute la société. (L’objectif n’est pas) de mettre la poussière sous le tapis mais bien de sortir la vérité y compris si elle est gênante». Tout en précisant qu’il n’a pas de doute sur la compétence des enquêteurs, l’avocat a ajouté qu’ «on pense clairement que le but était de ne pas répondre parce que la Belgique a encore peur de ce qu’on peut découvrir».
Ces mots ont renvoyé la police belge six ans en arrière, lorsqu’elle s’est retrouvée accusée par la France d’avoir failli dans la surveillance des frères Abdeslam, passés d’une vie oisive à une radicalisation extrême. Après les attentats, Salah Abdeslam était rentré en Belgique sans coup férir avant d’entamer une cavale de près de trois mois. Elle devait se terminer à Molenbeek quelques jours avant les attentats bruxellois du 22 mars 2016. Molenbeek qui allait devenir dans les pages de la presse internationale un «nid de terroristes» administré par des socialistes laxistes.
La police fédérale belge a réagi par voie de presse, assurant que son travail d’enquête avait été mené à bien et qu’elle comprenait les attentes des familles des victimes. Mais elle a de nouveau insisté sur la nécessité de préserver l’anonymat des enquêteurs afin de leur permettre «de continuer à travailler dans des dossiers sensibles». «La France, a-t-il été ajouté, accorde aux policiers belges les mêmes conditions de sécurité que la Belgique a aménagées pour les collègues français. Cette réciprocité prouve la collaboration des pays unis dans un même but: l’émergence de la vérité.»
La Belgique a encore peur de ce qu’on peut découvrir. Gérard Chemla, avocat