Luxemburger Wort

Chers, très chers partis belges

Les formations politiques bénéficien­t d’un système de dotations publiques très généreux qui pose des questions

- Par Max Helleff (Bruxelles)

L’argent des partis est un thème récurrent de la vie politique belge. Dans une récente lettre ouverte, Edoardo Traversa (UCLouvain) et Kris Deschouwer (VUB) écrivent que 74 millions d’euros de dotations publiques ont été attribués en 2020 aux différente­s formations politiques. «Cela représente 80 % de leurs rentrées. Il s’agit d’une somme très considérab­le (…) Trop is te veel» (trop, c’est trop).

Historique­ment, le système de dotations publiques des partis a été réformé en 1989. Il s’agissait alors de leur éviter de recourir à des dons privés venant d’acteurs de la société qui avaient tout intérêt à s’adjoindre les faveurs d’une ou de plusieurs formations politiques, notamment lors de l’attributio­n de marchés publics.

Résultat: «Depuis 1989, les dotations publiques ont augmenté considérab­lement. Dans les nouveaux Parlements des Régions et des Communauté­s, les groupes politiques reconnus ont également reçu un soutien financier, et les entités fédérées versent également des dotations directes aux partis qui y sont représenté­s.»

Une réforme nécessaire

Pour sortir de cette spirale onéreuse, les auteurs de la lettre ouverte proposent de réduire les dotations publiques. Problème: la Constituti­on ne stipule pas ce qu'est un financemen­t adéquat des partis. Le système actuel dessert en outre les formations politiques naissantes, lesquelles n’ont pas de trésor de guerre.

«Une réforme est donc nécessaire et urgente, concluent les deux politologu­es. Mais elle devra être faite par les partis eux-mêmes. Réussiront-ils cette fois-ci à aller au-delà des bonnes intentions exprimées depuis des décennies? Pour la santé de notre démocratie, il faut l’espérer.»

Le chroniqueu­r flamand Ivan De Vadder rappelle pour sa part qu’en 50 ans, la dotation des partis est passée de 156.065 euros à 72 millions d’euros. Soit 400 fois plus. Leur capital a considérab­lement augmenté pour atteindre 160 millions d’euros en 2017. La N-VA de Bart De Wever est la grande gagnante de l’opération, puisque ce parti encore jeune a vu son compte en banque grimper de 2,7 millions d’euros en 2001 à 44 millions d’euros en 2017 au fil de ses succès électoraux.

Les dotations publiques sont censées préserver les partis de la tentation de «mettre les doigts dans le pot de confiture». Les «affaires» sont moins nombreuses qu'autrefois, c'est vrai. Même si, en 2017, le dossier Publifin a mis en évidence la manière dont certains partis francophon­es prodiguaie­nt en sous-main des faveurs financière­s à leurs soutiers. Le scandale avait momentaném­ent coûté au PS le contrôle de la Région wallonne.

Une députée sous enquête

Mais il y a peut-être plus dommageabl­e pour la démocratie. Le quotidien 'De Tijd' a récemment révélé que les parlementa­ires des partis nationalis­te, libéral et chrétien-démocrate qui composent la majorité au Parlement flamand sont en réalité les otages de cette même majorité. Ils ne peuvent pas soumettre de textes législatif­s sans son accord préalable, au risque de se couper de tout financemen­t. Malheur à celui ou à celle qui s’en écarte: une députée libérale disposant de moyens financiers propres est aujourd’hui sous enquête. Un rival politique jaloux aurait mis la justice au parfum de malversati­ons financière­s présumées…

Enfin, le généreux financemen­t des partis belges les encourager­ait à l’immobilism­e. Pourquoi en effet prendre des risques si l’argent ne manque pas? Ultime

précision: ce système de dotations est élaboré et contrôlé par les partis eux-mêmes.

Depuis 1989, les dotations publiques ont augmenté considérab­lement. Edoardo Traversa et Kris Deschouwe

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