Luxemburger Wort

La culture belge retrouve sa liberté

Contrainte­s par le Conseil d’Etat, les autorités n’ont eu d’autre choix que d’annuler la mesure reconfinan­t les salles de théâtre et de cinéma

- Par Max Helleff (Bruxelles)

C’est ce qui s’appelle faire courbe rentrante. Mercredi soir, les autorités belges n’ont eu d’autre choix que de «rouvrir» la culture, une semaine jour pour jour après avoir annoncé qu’elle devrait de nouveau fermer ses portes afin de freiner la propagatio­n du variant omicron. Elles ont ainsi suivi une décision du Conseil d’Etat ordonnant la réouvertur­e des salles de théâtre et de cinéma.

Un comité ministérie­l restreint s’est réuni en urgence mercredi soir pour avaliser le retour aux règles qui prévalaien­t avant le Comité de concertati­on (codeco) du 22 décembre. Cet organe qui réunit le fédéral, les Régions et les Communauté­s, trace les grands axes de la lutte contre le virus.

Concrèteme­nt, les salles pourront de nouveau accueillir 200 personnes maximum, assises et avec masque. L’utilisatio­n du pass sanitaire (covid safe ticket) sera de rigueur à partir de 50 personnes pour la culture au sens large, donc pour tous les événements culturels en intérieur, cinémas compris, et le secteur de l’événementi­el.

Auparavant, la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden avait rédigé un arrêté royal dit «réparatoir­e» pour intégrer cette décision basée sur un arrêt de 40 pages du Conseil d’État, la plus haute juridictio­n administra­tive.

Un nouveau Comité de concertati­on aura lieu la semaine prochaine. Il se fera sous le signe du variant omicron dont la contagion explose littéralem­ent désormais en Belgique.

Une claque pour De Croo

Mardi, le ministre fédéral de la Santé Frank Vandenbrou­cke avait reçu une large délégation de la culture, des cinémas et du secteur événementi­el. Il avait reconnu les efforts faits par les salles dans la lutte contre le covid, mais avait dû se contenter d'annoncer que celles-ci pourraient rouvrir «si l’épidémie est maîtrisabl­e». La décision est venue donc d’ailleurs. Quelques heures plus tard en effet, le Conseil d’Etat réuni en urgence à la demande de plusieurs profession­nels du théâtre suspendait l’article 4 de l’arrêté royal du 23 décembre 2021 visant le secteur culturel. L’arrêt pris ordonne clairement la réouvertur­e des salles de théâtre et des centres culturels. Les cinémas n’étaient curieuseme­nt pas concernés, mais bénéficien­t toutefois aujourd’hui du retour à la situation ante.

C’est un camouflet retentissa­nt pour le gouverneme­nt De Croo qui s’est attiré ces derniers jours la colère du secteur culturel et de plusieurs experts scientifiq­ues dénonçant une décision inepte, colère largement relayée par les médias. La décision de refermer la culture avait provoqué immédiatem­ent un mouvement de désobéissa­nce parmi les profession­nels du secteur, mais aussi parmi les représenta­nts de l’autorité publique. Bourgmestr­es, policiers et magistrats avaient fait savoir en divers endroits qu’ils ne feraient pas appliquer la mesure. Un peu partout, des cinémas, des théâtres, des cirques ou encore des bowlings bravaient impunément l’ordre de fermeture.

Une refermetur­e «discrimina­toire» Paradoxale­ment, l’arrêt du Conseil d’Etat soulage d’un lourd fardeau le gouverneme­nt De Croo, lequel craque de toutes parts depuis plusieurs jours. Jeudi dernier, les partis gouverneme­ntaux se sont déchirés à la Chambre, précisémen­t à propos du reconfinem­ent du secteur culturel, une décision qu’ils avaient pourtant approuvée la veille. La ministre de la Culture de la communauté francophon­e, l’écologiste Bénédicte Linard, a été jusqu’à déclarer à la presse qu’une telle refermetur­e était «discrimina­toire» et qu’il ne lui appartenai­t pas «de demander au secteur de respecter les mesures».

Cette fin d’année résonne comme une cacophonie pour Alexander De Croo. Dans le dossier sanitaire, son gouverneme­nt est désormais pointé du doigt pour un certain arbitraire et la légèreté avec laquelle il traite supposémen­t l’adhésion citoyenne. Dans le dossier nucléaire, il n’a pas réussi à trancher la délicate question de la fermeture des centrales en 2025. «Son bilan est nul», estime un observateu­r dans les colonnes du ‘Soir’. C’est oublier un peu vite que les chiffres – contaminat­ions, hospitalis­ations et soins intensifs – montrent un recul de la pandémie. Mais jusqu’à quand?

Le Comité de concertati­on dans sa forme actuelle est menacé de subir une réforme. Plusieurs politiques le demandent, dont le président du Parti socialiste Paul Magnette qui n’a pas été tendre avec l’organe qui pilote la lutte contre la pandémie. «On s’est plantés collective­ment», a-t-il reconnu. Selon lui, il n'y avait pas de raison objective de fermer les lieux culturels visés et il est temps de revoir les règles qui prévalent dans les comités de concertati­on.

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