Encore un rebond
Les «révélations» d’un ex-gangster bruxellois dans l’affaire des Tueurs du Brabant font l’objet de vérifications
Témoignage tangible ou nouvelle mythification? L’affaire des Tueurs du Brabant, le «cold case» belge le plus célèbre du XXe siècle, a fait sa réapparition ces derniers jours à la faveur d’une interview donnée dans la presse par un truand bruxellois.
Il y a une semaine, Alain Moussa, 70 ans, a été interpellé par la police après avoir fait des «révélations» au journal «La Dernière Heure». Selon lui, deux exgangsters qui ont défrayé la chronique dans les années 80, à savoir Philippe De Staercke et Dominique Salesse, ont fait partie de la bande des Tueurs du Brabant. Interrogé, De Staercke a rejeté ces accusations en les qualifiant d’absurdes: «Moussa est un mythomane toxicomane et toujours ivre». Deux perquisitions ont été effectuées à Ganshoren et à Asse (nord de Bruxelles). Une arme de poing, des téléphones portables et du matériel informatique ont été saisis. Depuis, les personnes interrogées par la police ont été relâchées.
On n’en sait pas davantage. Eric Van Duyse, le porte-parole du parquet fédéral, s’est contenté d’affirmer qu’un travail de vérification est en cours.
La presse belge rappelle que Philippe De Staercke, Alain Moussa et Dominique Salesse ont bien fait partie d’un gang, mais il s’agissait de la «bande de Baasrode». «Dans les années 1980, ils ont commis des braquages de banques, de bijouteries et de bureaux de poste. Ils ont aussi été longtemps soupçonnés d’avoir fait partie des tueurs du Brabant, responsables de 28 assassinats entre 1982 et 1985. Ils ont toujours nié.»
Alain Moussa a toutefois décidé de changer de version. Un certain Daniel B. a confirmé certains de ses propos. L’affaire en est là pour l’instant.
Les questions sans réponses
Ces dernières années, le dossier des Tueurs du Brabant est régulièrement réapparu à la surface, avec ses suspects et ses théories. Plusieurs ex-gangsters ont été réinterrogés. Les recherches menées sur un ancien policier soupçonné d’être le «Géant» – un membre de la bande resté dans les mémoires pour sa haute taille – n’ont mené à rien. Des fouilles ont plusieurs fois fait chou blanc.
L’affaire des Tueurs du Brabant conserve ainsi sa part de mystère. Nul ne sait pourquoi cette bande a semé la terreur dans la région qui entoure Bruxelles dans la première partie des années 80. Pourquoi avoir massacré 28 personnes, notamment dans plusieurs supermarchés appartenant à la chaîne Delhaize, pour un butin somme toute réduit. Bien des théories ont été échafaudées dans les décennies qui ont suivi, dont l’une a conclu à la volonté de déstabiliser l’Etat belge par la violence. Aucune preuve décisive n’a toutefois été apportée.
Sous la pression des familles des victimes, l’ancien gouvernement Michel avait promis de reprendre l’affaire à zéro. L’idée que de nouveaux enquêteurs puissent reprendre le dossier avec un regard neuf était séduisante. En 2015, l’extension du délai de prescription de 30 à 40 ans pour les crimes punissables d’une peine de réclusion à perpétuité avait été faite sur mesure pour l’affaire des Tueurs du Brabant. Peine perdue à ce jour: l’enquête patauge toujours.
En novembre dernier, le bourgmestre d’Alost Christoph D'Haese a regretté qu’il ne reste plus que «mille jours» avant que le dossier ne soit cette fois bel et bien prescrit. Il sera refermé de fait en 2025. «Je demande au ministre de la Justice de prendre ses responsabilités, sans quoi nous pouvons craindre le pire», a déclaré Christoph D'Haese, expliquant que le nombre d’enquêteurs dédiés à cette affaire a été réduit.
En 1985, huit personnes avaient été tuées et neuf autres blessées au Delhaize d'Alost.