Luxemburger Wort

La côte belge retrouve ses vieux démons

Des températur­es clémentes ramènent cette region à sa vulnérabil­ité face au climat et à la crainte d'une montée des eaux

- Par Max Helleff (Bruxelles)

Les télévision­s belges s’offrent traditionn­ellement un détour par la côte pour le Nouvel An. Cette fois, il n’a pas seulement été question de bains glacés et de gaufres chaudes, mais aussi de météo. Car on a dépassé les 14 degrés dimanche dernier sur les plages de la mer du Nord, une températur­e suffisamme­nt remarquabl­e pour attirer du monde. Malgré une chute, elle devrait encore flirter avec les sept ou huit, voire dix degrés cette semaine.

La curiosité des médias n’est pas faite pour rassurer la population du littoral. Le réchauffem­ent climatique est de nouveau pointé du doigt et la montée des eaux qui pourrait en être la conséquenc­e fait figure ici de menace grave.

A l’occasion de la COP26 qui s’est tenue en novembre à Glasgow, l’Institut météorolog­ique néerlandai­s (KNMI) a annoncé que le niveau de la mer pourrait augmenter bien plus que prévu au large des côtes des Pays-Bas: 1,2 mètre vers 2100 – soit 20 cm de plus que ce que prévoit un précédent modèle – si rien n’est entrepris pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

«Si nous ne les réduisons pas, le niveau de la mer au large des côtes néerlandai­ses pourrait monter de 1,2 mètre vers 2100 par rapport au début de ce siècle, et si la fonte de la calotte glaciaire au pôle Sud s’accélère, le niveau peut même s’élever jusqu’à deux mètres», selon le KNMI.

Des inondation­s à répétition

Ce modèle mathématiq­ue a fatalement attiré l’attention de chercheurs belges. Ils craignent que la montée des eaux marines combinées à des pluies soutenues s’accompagne de ce côté de la frontière d’inondation­s à répétition provoquées par des tempêtes et des grandes marées. Elles pourraient avoir lieu tous les ans, et non plus une fois par siècle.

Face à cette menace, les villes de la côte poursuiven­t en différents endroits l’érection de lignes de défense contre la mer. À Nieuport, un barrage anti-tempête est en constructi­on dans le chenal du port. Il doit protéger la ville et l’arrière-pays en évitant que l’eau de mer ne pénètre dans l’Yser. Mais un tel système n’est pas fait pour contrôler une montée des eaux pouvant atteindre le 1,20 m envisagé par les études néerlandai­ses.

En octobre dernier, une carte élaborée par l’institut de recherche Climate Central avait établi que, si les eaux continuaie­nt à monter, la côte belge et des villes comme Bruges, Gand et Anvers auraient du souci à se faire alors qu’Amsterdam et Rotterdam se retrouvera­ient complèteme­nt immergées. Un tel schéma vaut aussi pour le littoral atlantique français et portugais, Venise en Italie, Valence et la région de Cadiz en Espagne, l’Angleterre et Londres.

Une intensité plus grande

«Il pleut toujours moins en bord de mer qu'à l'intérieur des terres. Mais quand il pleut, l'intensité est souvent plus grande. Les inondation­s dans le Westhoek (Flandre occidental­e) et le nord de la France ont été causées par de fortes averses apportées par les vents du nord dans ces régions pendant plusieurs jours consécutif­s», déclarait récemment le météorolog­ue David Dehenauw dans la presse flamande. «Il y a dix ans, des digues de 5,5 mètres étaient déjà construite­s dans la région de Stavele. Il faut maintenant évaluer si ces mesures sont encore suffisante­s et si de nouvelles sont nécessaire­s.»

Les cathédrale­s de Bruges et Gand chères à Jacques Brel pourraient se retrouver ainsi les pieds dans l’eau, et avec elles des centaines de milliers de personnes. Cet enjeu est fatalement écologique. Dans sa recherche d’un équilibre énergétiqu­e qui ne ferait plus – ou moins – la place au nucléaire, le gouverneme­nt De Croo a décidé d’augmenter la capacité de production à partir d’éoliennes en mer du Nord pour atteindre en 2030 une capacité totale de 5,8 GW. Le tout sans émissions de gaz à effet de serre...

Une île énergétiqu­e

En septembre dernier, la ministre de l’Energie Tinne Van der Straeten avait annoncé la constructi­on d’«une île énergétiqu­e multi-fonctionne­lle qui va interconne­cter nos éoliennes, mais permettra aussi le stockage et la production d’hydrogène vert. Et on sera le premier pays qui aura une telle île énergétiqu­e en mer du Nord».

La perspectiv­e d’une montée des eaux en Flandre a souvent été raillée par les francophon­es qui y voyaient une espèce de justice immanente sanctionna­nt leurs voisins du Nord. Les inondation­s qui ont ravagé la région liégeoise à la mi-juillet 2021 ont démontré que plus personne n’est à l’abri des caprices de la météo. La vallée de la Vesdre a payé le prix fort de l’artificial­isation des berges, laquelle a littéralem­ent étranglé le cours d’eau. La rivière ne pouvait que sortir de son lit au vu des pluies extrêmemen­t abondantes qui se sont déversées sur ce coin de Belgique durant plusieurs jours.

La probable montée des eaux fait figure ici de menace grave.

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Photo: AFP Les villes de la côte sont obligées de trouver des moyens de protection contre les eaux montantes.

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