Comme un air de fête
L’OPL et son «Neijoerconcert» pour oublier le temps d’une soirée le quotidien
L’Orchestre philharmonique du Luxembourg avec son «Chrëschtconcert» et son «Neijoersconcert» entretient une belle tradition: profiter des fêtes de fin d’année pour lever le pied, mais aussi le temps d’une soirée mettre le quotidien en sourdine. Et, en ces temps-ci une telle invitation ne se refuse pas...
Mercredi soir, l’auditorium de la Philharmonie s’était paré de larges rideaux de fleurs colorées pour accueillir un public de tout âge, endimanché ou pas, pour cette célébration musicale de l’an nouveau.
Les musiciens de l’OPL, masqués ou non, eux-aussi n’ont qu’une seule idée en tête: faire la fête. Et ce ne fut ni leur patron d’un soir, le chef d’orchestre français Fabien Gabel, ni la soprano allemande Nikola Hillebrand ou le ténor germano-canadien Michael Schade qui vont les en empêcher.
Ajoutez-y un chapelet d’oeuvres de circonstance et le cocktail final ne peut qu’être gai, lumineux et joyeux. L’heure n’est pas aux lourdes pages du répertoire classique, mais bel et bien aux oeuvres dites légères. Le public, nombreux et fidèle au rendez-vous, n’en demande pas plus. Les Johann Strauss, père et fils, Franz Lehár, Robert Stoltz avec leurs marches d’orchestre, valses, polkas et airs d’opérettes figurent donc une fois encore au casting de ce «Neijoersconcert».
Fabien Gabel, peu connu sous nos latitudes – et qu’on espère un jour retrouver avec un programme plus costaud –, se présente avec élégance et détermination. Les tous premiers battements du «Kaiser-Walzer» de Johann Strauss suffisent pour donner le ton. Avec un chef aux petits soins de son équipe et des musiciens tout aussi attentifs et réceptifs aux injonctions du chef, le tour est joué en trois temps et deux mouvements. Et restera de mise pour toute la durée de la soirée.
Très (trop?) sérieux à la tâche
L’OPL au grand complet – malgré des remplacements de pupitres au pied levé suite à des absences pour maladie de dernière minute – s’en donne visiblement à coeur joie. Les mélodies sont illuminées, les rythmes soutenus, les couleurs sonores inspirées, équilibrées. Le tout est brillant. S’attaquer à un répertoire dit facile, sans céder à la facilité, à la niaiserie, sans grossir les traits, sans tomber dans le pastiche est un art. Un art que l’OPL maîtrise du bout des doigts. Faut dire qu’avec Fabien Gabel aux manettes, l’exercice de style, qui consiste à se faufiler au travers des mélopées souvent ternaires du programme, relève ici de l’évidence.
Sérieux et consciencieux dans leur approche – trop? –, les philharmonistes peinent à certains moments à prendre de la hauteur. Un peu plus d’insouciance – et pourquoi pas d’insolence ou de dérision? – n’auraient pas forcément gâcher la fête. Faut dire aussi que le «Neijoersconcert» joué dans de telles conditions prend des allures de marathon. Car, pour cause de pandémie, outre le port du masque obligatoire pour le public, l’entracte est tout bonnement supprimé. Un aspect quelque anecdotique, certes, mais qui oblige les musiciens à rester en alerte permanente durant près de deux heures. Un tour de force.
Une soirée consacrée à Johann Strauss et Franz Lehár ne peut se passer de belles voix. Là encore, l’OPL a vu juste en invitant sur scène deux solistes de tout premier choix. Tant le ténor Michael Schade que la soprano Nikola Hillebrand, le temps de prendre la température de la salle, se lancent seuls ou en duo dans leurs chansons, tout en exploitant les moindres et ultimes ressources de leurs voix. Les paroles collent à la musique avec une précision d’orfèvre. Les deux groupes en présence fusionnent. Les musiciens de l’OPL savent s’effacer lorsque cela s’avère nécessaire pour mieux ressurgir avec insistance quelques instants plus tard. Le chef surveille, guide et visiblement s’amuse de cette entente cordiale de tous les instants.
Après tant de lumières, de brillances et de pétillances, tout ce beau monde, une fois le temps réglementaire sifflé, ne pouvait s’éclipser de la scène sans les incontournables et nécessaires rappels d’usage: outre un duo de charme de la «Fledermaus», le «Radetzky-Marsch» et la «TritschTratsch-Polka» ont répondu aux attentes du public, qui debout, a chaleureusement remercié les artistes pour le beau et bon moment de partage.