En musique et en mode Covid
L’Orchestre philharmonique du Luxembourg sillonne cette semaine l’Espagne, de Saragosse à Las Palmas, avec masques et tests rapides
Après deux tours de chauffe vendredi et dimanche dernier à Luxembourg et Cologne, les musiciens de l’Orchestre philharmonique du Luxembourg, leur chef d’orchestre Gustavo Gimeno et la pianiste Beatrice Rana se sont envolés lundi midi pour Saragosse, la première étape de leur nouvelle tournée en Espagne, qui devait ensuite les conduire à Madrid, Ténériffe et Las Palmas. Le directeur de la Philharmonie, Stephan Gehmacher, ainsi que Geoffroy Guirao, Head of Orchestra Operations, ne sont pas de la partie. Le coronavirus s’est lui-aussi invité à la tournée de l’OPL.
La pandémie est un vrai cassetête pour les responsables de l’OPL. 3G, 2G+, 2G? Les mesures de sécurité variant d’un pays à l’autre, la Philharmonie a décidé de n’envoyer en tournée que des musiciens vaccinés ou guéris. Une petite dizaine de musiciens ne répondent pas à ces critères. Pour la série de concerts en Espagne, seuls 74 musiciens sont partants, un nombre suffisant pour le programme à venir, souligne la direction de l’OPL. «Pour nous, il est avant tout important de garantir la sécurité de nos musiciens», souligne Patrick Coljon, Senior Orchestra Manager.
Des masques et des tests rapides furent distribués en masse à chaque musiciens. Alors que le port du masque est requis sur scène – hormis pour les vents et cuivres, la pratique des tests rapides n’est pas obligatoire... Le virus s’est manifesté, bien avant le départ en Espagne. Les musiciens testés positifs – malgré la vaccination ou la guérison – doivent immédiatement quitter l’orchestre. Après le concert à Cologne, trois d’entre eux ont dû être remplacés au pied levé. Même chose à Saragosse et Madrid... A chaque jour son lot de défections.
Un instrument à cordes manquant peut être remplacé sans trop de difficultés. Mais, si un instrument représenté qu’une seule fois dans l’orchestre, qu’il s’agisse d’un cuivre, d’un bois ou d’une percussion, manque, la situation devient plus problématique.
L’équipe de production ne se laisse toutefois pas déstabiliser si facilement. Patrick Coljon, explique: «Au Luxembourg, nous connaissons beaucoup de musiciens qui peuvent intervenir en cas d’urgence. C’est aussi le cas à Cologne, nous disposons d’un réseau de contacts». Et en Espagne ou sur les îles Canaries? «L’OPL joue dans des salles de concert où logent et travaillent des orchestres symphoniques», souligne Patrick Coljon, «des prêts spontanés de musiciens sont possibles. Les Canaries sont aussi rapidement accessibles en avion».
Depuis que l’orchestre OPL a repris progressivement son travail après le lockdown et a pris les mesures de sécurité nécessaires, aucun cluster Covid n’a été signalé à ce jour. «Il n’y a pas de garantie absolue, nous faisons tout pour pouvoir à nouveau faire découvrir la musique au public. Cela fait partie de notre mission principale», souligne Patrick Coljon.
Annuler, la toute dernière option
La tournée de l’OPL peut à tout moment prendre un nouveau tournant. En cas d’accumulation d’infections dans les rangs de l’orchestre, une adaptation du programme est une solution possible à court terme. Ou encore interrompre le voyage? «Une annulation de la tournée est toujours la toute dernière option» pour le responsable de la production.
Les membres de l’OPL s’adaptent aux circonstances particulières, sont prudents et font leur travail avec le plus grand engagement et une motivation sans faille. Pourtant, certains n’hésitent pas à critiquer plus ou moins ouvertement la décision de la Philharmonie de maintenir cette tournée à tout prix et citent en exemple le choix d’autres phalanges de ne pas partir.
«Bien sûr, on a un étrange sentiment face à cette situation. Mais une fois sur scène, on oublie et on se donne à fond. C’est notre job», confie une corde. Un autre musicien, des cuivres, est catégorique: «La vie doit simplement continuer. Même la vie d’un orchestre, avec sa musique».
Une tournée d’un orchestre symphonique, implique un travail logistique de grande envergure. Les musiciens doivent arriver sur place à l’heure pour les répétitions, les instruments, les partitions doivent être distribués, et en période de pandémie, tout cela est d’autant plus difficile.
Catherine Graul, véritable «Mère Courage» de l’orchestre, et ses collègues, téléphones portables à la main, courent dans tous les sens pour régler les moindres détails et surtout les nombreux imprévus de chaque journée.
Raccord de l’orchestre avant le concert à Madrid.
Après le dernier concert de vendredi dernier à la Philharmonie de Luxembourg, le matériel d’orchestre a été transporté à Cologne, avant d’être acheminé vers Saragosse. Après un long voyage en camion, les instruments arrivent à destination finalement mardi en début d’après-midi. Les techniciens de scène disposent de deux bonnes heures pour installer les instruments et les partitions afin que les musiciens puissent commencer la répétition à 18 heures précises. «Nous connaissons la salle et les coulisses de l’Auditorio de Saragosse, ce qui nous aide dans nos préparatifs», explique Max May, technicien de scène, qui, comme d’habitude, fait tout son possible avec Klaus Künne et Christopher Alderton pour que les musiciens, le chef d’orchestre et la soliste puissent se concentrer sur leur musique en toute sérénité.
A l’«Auditorio Palacio de Congresos» de Saragosse mardi et à l’«Auditorio Nacional de Música» de Mardid, jeudi, la musique reprend ses droits. Le public espagnol
ne boude pas non plus son plaisir d’apprécier la musique en direct.
Peu avant le concert dans la capitale de la région Aragon, le chef d’orchestre Gustavo Gimeno nous confie: «Ici à Saragosse, les mélomanes ont moins d’occasions qu’au Luxembourg pour aller au concert. Jouer de la musique devant un public est un devoir non seulement pour une institution comme la Philharmonie ou un ensemble comme l’OPL, mais aussi pour chacun d’entre nous».
Le concert débute avec une oeuvre contemporaine d’Unsuk Chin: «Subito con Forza». La partition, écrite par la compositrice coréenne durant l’année Beethoven, rappelle fortement l’oeuvre du maître allemand et contient de nombreuses surprises sonores dans tous les registres de l’orchestre.
Avec la «Rhapsodie sur un thème de Paganini» de Sergueï Rachmaninov, la pianiste Beatrice Rana se plonge dans un tout autre univers. L’interprétation est pleine d’énergie et de dynamisme. La confrontation concertante avec l’orchestre est passionnante et pleine d’allusions et d’images. La soliste remercie le public avec un étude de Debussy. Gimeno et son équipe de musiciens entament par la suite la «Symphonie en ré min» de César Franck. L’ensemble est visiblement très à l’aise dans ce répertoire de musique symphonique française toute en finesse.
En bis, la «Danse hongroise N° 1» de Johannes Brahms et un extrait du «Concert Romanêsc» de György Ligeti sont interprétés. Un tube de la musique classique et une pièce plutôt inconnue et mystérieuse du 20e siècle complètent ainsi un programme de contrastes, comme Gimeno aime particulièrement pour ses concerts.
Le public espagnol répond poliment aux sollicitations les plus inattendues, mais ne cache plus son enthousiasme face aux déferlement de puissances, de couleurs et de lumières de la pianiste italienne.
Jouer de la musique devant un public est un devoir pour chacun d’entre nous. Gustavo Gimeno, chef d’orchestre
En route vers les Canaries
Après Madrid, nouveau transfert en avion pour les musiciens jeudi vers les Canaries pour un concert hier soir à l’«Auditorium» de Sanra Cruz à Ténériffe et ce soir à l’«Auditorio Alfredo Kraus» de Las Palmas. Avec un nouveau défi à la clé. Outre le nombre inconnu jusqu’à la dernière minute du nombre de musiciens à remplacer, la production doit s’assurer que la location sur place des contrebasses, des percussions et de la harpe puisse tenir leurs promesses. Une fois encore, la collaboration avec les orchestres locaux est de mise.
Il a été décidé de ramener à