Des détectives privés contre les télétravailleurs indélicats
Certains patrons belges en arrivent à mettre sous surveillance leurs employés soupçonnés d’abuser du travail à distance
Cette histoire rapportée par «Le Soir» vaut son pesant d’or.
Un patron doutait de la loyauté d’un de ses employés. Celui-ci était depuis plusieurs mois en congé de maladie, un certificat médical attestant en principe de la réalité de son mal. Pour en avoir le coeur net, le patron eut recours au service d’un détective privé. Deux heures de planque suffirent à démontrer que l’employé tirait honteusement parti de la situation pour arrondir ailleurs ses fins de mois.
En Belgique, ce genre d’affaire est généralement mené par les inspecteurs des différents services publics. Que des patrons aient recours lorsqu’ils le jugent bon à des privés pour se débarrasser d’un travailleur indélicat n’est par ailleurs pas nouveau. Ce qui est autrement neuf, c’est le «mobile du crime», soit le dévoiement du télétravail au profit de tâches autres que celles que l’employé est censé fournir depuis son domicile à son employeur.
Durant la pandémie, les patrons ont souvent fait contre mauvaise fortune bon coeur. Ils déploraient l’absence de leur personnel sur le lieu de travail, regrettaient de ne plus «pouvoir tenir ces réunions physiques qui permettent de faire avancer l’entreprise» mais, d’un autre côté, ils voyaient d’un bon oeil leurs coûts fixes (chauffage, électricité, …) dégringoler. Le distanciel et le recours à de nouveaux outils aujourd’hui entrés dans le langage courant (Zoom, Teams, etc.) ont en outre permis à nombre de boîtes de continuer à fonctionner, et même de remplir leur trésorerie.
Dur de retourner au bureau
Toutes n’ont bien sûr pas eu cette chance, à commencer par l’horeca qui a vu son chiffre d’affaires s’effondrer, et peine désormais à recruter. Cuistots et serveurs ont souvent réorienté leur carrière durant la pandémie, et les nouvelles vocations sont insuffisantes.
Entretemps, la fin des mesures de restrictions anticovid a permis aux entreprises de récupérer leurs employés. Mais ces derniers rechignent parfois à revenir au bureau, quitte à invoquer des prétextes fallacieux. C’est alors que certains patrons louent les services de détectives privés pour confirmer ou infirmer leurs suspicions.
La loi interdit aux privés d’investir un domicile ou de hacker un ordinateur, même si certains ne se gênent pas. Leur tâche est autrement facile sur les chantiers de construction ouverts à tous les vents. Et comme les Belges ont une brique dans le ventre, les occasions sont nombreuses de multiplier les constats. Certains travailleurs abusent des certificats médicaux de complaisance pour flouer leur entreprise, obtenir des revenus sociaux de substitution tout en travaillant en noir sur tel ou tel chantier.
«Certains ouvriers sont sans scrupules», explique un privé au «Soir». «Ils ont parfois leur propre page Facebook pour chercher des clients. Comme ils ont souvent une activité complémentaire hors des heures fournies à leur patron, ils ont du matériel et un véhicule. Ils travaillent dans la rénovation, la toiture ou l’installation de châssis. Il faut les mettre devant le fait accompli.»
Chute de l'absentéisme
La colère des patrons mérite cependant un bémol. Fin 2021, le prestataire de service RH Securex a relevé une chute de l’absentéisme de courte durée pour maladie de 28 % par rapport à la période précédant le coronavirus. De là à conclure qu’il a suffi à certains employés de rester à la maison pour se trouver moins malade et continuer à travailler, il n’y a qu’un pas à franchir. L’étude ne disait toutefois rien des performances et de l’efficacité de ces accros du télétravail.
La colère des patrons mérite cependant un bémol.