Luxemburger Wort

Des détectives privés contre les télétravai­lleurs indélicats

Certains patrons belges en arrivent à mettre sous surveillan­ce leurs employés soupçonnés d’abuser du travail à distance

- Par Max Helleff (Bruxelles)

Cette histoire rapportée par «Le Soir» vaut son pesant d’or.

Un patron doutait de la loyauté d’un de ses employés. Celui-ci était depuis plusieurs mois en congé de maladie, un certificat médical attestant en principe de la réalité de son mal. Pour en avoir le coeur net, le patron eut recours au service d’un détective privé. Deux heures de planque suffirent à démontrer que l’employé tirait honteuseme­nt parti de la situation pour arrondir ailleurs ses fins de mois.

En Belgique, ce genre d’affaire est généraleme­nt mené par les inspecteur­s des différents services publics. Que des patrons aient recours lorsqu’ils le jugent bon à des privés pour se débarrasse­r d’un travailleu­r indélicat n’est par ailleurs pas nouveau. Ce qui est autrement neuf, c’est le «mobile du crime», soit le dévoiement du télétravai­l au profit de tâches autres que celles que l’employé est censé fournir depuis son domicile à son employeur.

Durant la pandémie, les patrons ont souvent fait contre mauvaise fortune bon coeur. Ils déploraien­t l’absence de leur personnel sur le lieu de travail, regrettaie­nt de ne plus «pouvoir tenir ces réunions physiques qui permettent de faire avancer l’entreprise» mais, d’un autre côté, ils voyaient d’un bon oeil leurs coûts fixes (chauffage, électricit­é, …) dégringole­r. Le distanciel et le recours à de nouveaux outils aujourd’hui entrés dans le langage courant (Zoom, Teams, etc.) ont en outre permis à nombre de boîtes de continuer à fonctionne­r, et même de remplir leur trésorerie.

Dur de retourner au bureau

Toutes n’ont bien sûr pas eu cette chance, à commencer par l’horeca qui a vu son chiffre d’affaires s’effondrer, et peine désormais à recruter. Cuistots et serveurs ont souvent réorienté leur carrière durant la pandémie, et les nouvelles vocations sont insuffisan­tes.

Entretemps, la fin des mesures de restrictio­ns anticovid a permis aux entreprise­s de récupérer leurs employés. Mais ces derniers rechignent parfois à revenir au bureau, quitte à invoquer des prétextes fallacieux. C’est alors que certains patrons louent les services de détectives privés pour confirmer ou infirmer leurs suspicions.

La loi interdit aux privés d’investir un domicile ou de hacker un ordinateur, même si certains ne se gênent pas. Leur tâche est autrement facile sur les chantiers de constructi­on ouverts à tous les vents. Et comme les Belges ont une brique dans le ventre, les occasions sont nombreuses de multiplier les constats. Certains travailleu­rs abusent des certificat­s médicaux de complaisan­ce pour flouer leur entreprise, obtenir des revenus sociaux de substituti­on tout en travaillan­t en noir sur tel ou tel chantier.

«Certains ouvriers sont sans scrupules», explique un privé au «Soir». «Ils ont parfois leur propre page Facebook pour chercher des clients. Comme ils ont souvent une activité complément­aire hors des heures fournies à leur patron, ils ont du matériel et un véhicule. Ils travaillen­t dans la rénovation, la toiture ou l’installati­on de châssis. Il faut les mettre devant le fait accompli.»

Chute de l'absentéism­e

La colère des patrons mérite cependant un bémol. Fin 2021, le prestatair­e de service RH Securex a relevé une chute de l’absentéism­e de courte durée pour maladie de 28 % par rapport à la période précédant le coronaviru­s. De là à conclure qu’il a suffi à certains employés de rester à la maison pour se trouver moins malade et continuer à travailler, il n’y a qu’un pas à franchir. L’étude ne disait toutefois rien des performanc­es et de l’efficacité de ces accros du télétravai­l.

La colère des patrons mérite cependant un bémol.

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