Luxemburger Wort

Faux loubard et vrai révolté

Le chanteur Renaud, «un peu revenu de tout», fête aujourd’hui son 70e anniversai­re

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Paris. «Epais comme un sandwich SNCF» mais immense parolier: populaire, engagé et tendre, faux loubard et vrai révolté, Renaud fit longtemps souffler un «Mistral gagnant» dans la chanson avant de marcher à l'ombre, entre alcool, dépression et rétablisse­ments.

A 70 ans (qu'il fêtera aujourd'hui), il passe l'essentiel de son temps dans le sud de la France. Le jeune anar aux cheveux de paille qui faisait danser l'argot, le verlan et une langue de Molière «chopée par le colback» a laissé place à un homme abîmé. «Un peu revenu de tout, un peu désabusé par la vie et le côté vain de toute chose», se décrivait-il ces dernières années, la voix carbonisée par les abus.

A son actif, plus de 25 albums vendus à plus de 20 millions d'exemplaire­s. Avec des titres cultes comme «Dès que le vent soufflera» ou «Marche à l'ombre». En 2015, un sondage désigne «Mistral gagnant», sa ballade sortie trente plus tôt, «chanson française préférée de tous les temps».

Perfecto noir (ou blouson en jean), santiags, anneau à l'oreille, bandana rouge, légère barbe et croix autour du cou: le look Renaud a marqué des génération­s.

Ses engagement­s furent multiples. Pacifiste, écologiste, antimilita­riste, il a toujours combattu l'extrême droite, souvent égratigné la gauche, écrit la chanson caritative pour l'Ethiopie, toujours défendu Les Restos du coeur ou SOS Racisme.

L'ex-chroniqueu­r de Charlie Hebdo se dépeint en «chanteur énervant». Un parfum de polémique a escorté son soutien à Yvan Colonna, décédé récemment des suites d'une agression en prison où il purgeait sa peine à perpétuité pour l'assassinat du préfet Erignac.

Renaud Séchan et son frère jumeau, David, naissent à Paris. Leur père est écrivain et professeur. Leur mère s'occupe des enfants, six au total. Au collège, ce «titi parisien» pur jus sèche les cours.

«Crève salope», «Putain de camion»

Encore lycéen, il participe au mouvement étudiant de mai 68 et écrit sa première chanson «Crève salope», qui devient un des hymnes de la Sorbonne. Il a 19 ans quand il rencontre Patrick Dewaere, grâce auquel il intègre le Café de la Gare, où il joue avec MiouMiou et Coluche quand il ne chante pas dans les rues en faisant la manche.

En 1975, paraît son premier album, «Amoureux de Paname» avec «Hexagone» en titre-étendard. Deux ans plus tard, «Laisse béton» assoit le style Renaud. Le public découvre sa silhouette de poulbot, sa voix nasillarde. Son troisième album en 1979 contient un de ses classiques, «Ma gonzesse», inspirée par Dominique Quilichini qui a longtemps partagé sa vie. Leur fille Lolita naît en 1980. Dans cette décennie, ses chansons les plus tendres, «Manu», «Chanson pour Pierrot», «Morgane de toi», «En cloque» font décoller ses ventes.

Admirateur du chanteur Georges Brassens (qu'il revisite à nouveau, parmi d'autres, dans «Métèque», album de reprises qui sort ce vendredi), Renaud se veut «homme libre», pas consensuel et toujours impertinen­t vis-à-vis des grands de ce monde. «Miss Maggie» est ainsi un violent pamphlet contre la Britanniqu­e Margaret Thatcher.

La perte d'amis comme Coluche, pour qui il écrit «Putain de camion», Pierre Desproges et Serge Gainsbourg, le font basculer du côté sombre. Renaud devient «Renard». Noyé dans la solitude et la boisson, il émeut pour sa première au cinéma dans «Germinal», de Claude Berri (1993). Dès «Boucan d'enfer» (2002), il évoque ses problèmes de dépression et d'alcoolisme.

En 2005, il épouse une jeune chanteuse, Romane Serda. Un an plus tard, naît leur fils Malone. Mais en 2011, il divorce et replonge dans ce terrible mal de vivre, rongé par la culpabilit­é liée au succès.

Tanguant et tremblotan­t mais «Toujours debout», il signe son retour en 2016 («Renaud») inspiré par les attentats de 2015. A la clé, succès commercial et nouveau sacre aux Victoires de la musique. Suivra «Les mômes et les enfants d'abord!», à l'écriture soignée, assumant sa voix cabossée (2019).

Sur sa dernière tournée «Phénix Tour» (2016-17), il fait peine à voir. Peu importe: le public chante pour lui et ne le laisse jamais «béton». AFP

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Foto: Claude Piscitelli
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Photo: AFP Renaud, un look, un style, un engagement qui ont marqué des génération­s entières.

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