Rumeurs d'élections anticipées
Belgique: De fortes tensions agitent la Vivaldi d'Alexander De Croo
La Belgique se dirige-t-elle vers des élections anticipées, avec deux ans d’avance sur le calendrier électoral ? L’hypothèse va bon train dans la presse qui relève les multiples tensions agitant la coalition Vivaldi du premier ministre Alexander De Croo. Un attelage composé de sept partis francophones et flamands, couvrant le spectre politique de la gauche à la droite, ce qui donne lieu à des approches très différentes de la manière de gérer le pays.
Le 1er mai a vu ainsi le président du Parti socialiste Paul Magnette rendre coup pour coup à son homologue et partenaire libéral Georges-Louis Bouchez. Le premier a fait du second un dangereux conservateur et a prôné un impôt des riches. Le second lui a rétorqué «non, non, non» aux taxes des rouges.
Chrétiens-democrates et libéraux
en chute libre
Côté flamand, les partis de la coalition regardent avec angoisse leur électorat s’effriter dans les sondages. 8 % pour les chrétiens-démocrates à la dérive qui se cherchent un nouveau président. 10 % pour les libéraux d’Alexander De Croo. Les deux formations gouvernementales s’écrasent alors que l’addition des nationalistes – la NVA de Bart De Wever et le Vlaams Belang de Tom Van Grieken – emporte 43 % des intentions de vote.
Ces dernières semaines ont mis à nu la fragilité de l’accord qui lie les partenaires de la Vivaldi face aux réalités du terrain. Le covid a coûté cher à la Belgique et l’on se divise au sein du gouvernement entre partisans de l’orthodoxie budgétaire et adeptes des «investissements audacieux». Le dossier nucléaire a valu une claque magistrale aux écologistes qui ont dû céder sur le maintien en activité de deux réacteurs au-delà de 2025. Plusieurs réformes fondamentales sont en rade. Celle de la fiscalité fait particulièrement du bruit pour l’instant.
Le Conseil supérieur des finances (CSF) vient de proposer au ministre des Finances, le chrétien-démocrate flamand Vincent Van Peteghem, une série de ponctions qui frapperont essentiellement la classe moyenne, les bas salaires étant soutenus par ailleurs. Il s’agirait de supprimer les chèques-repas, de taxer les allocations familiales et d’augmenter la TVA de 21 à 22 %. Le quotient conjugal, une mesure destinée à alléger la charge fiscale des époux et des cohabitants légaux, serait revu. Les régimes préférentiels d’épargne-pension, qui doivent permettre aux Belges d’arrondir leur retraite, sont également dans le collimateur. Il est question de la fin de certaines aides à l’emploi et d’économies dans le public.
Bien que tempérée par le ministre Van Peteghem, cette annonce a fait bondir les partis francophones ainsi que les syndicats. Alors que les socialistes rêvent d’un impôt des riches, l’administration fiscale leur répond que c’est aux travailleurs d’ouvrir le portefeuille pour éponger la facture de la crise sanitaire. Mais les propositions du Conseil supérieur des finances sont également dénoncées du côté patronal par la fédération du commerce Comeos. Elle craint qu'un nombre croissant de consommateurs n'aillent faire leurs courses dans les pays frontaliers pour contourner une hausse potentielle de la TVA.
Coincé entre le marteau et l’enclume
Le spectre d’une Belgique se précipitant dans la rue en gilet jaune hante les progressistes, coincés entre le marteau et l’enclume. Au nord, les nationalistes flamands auront tôt fait de dénoncer le manque de volonté des francophones d’aider au redressement des finances publiques, avec le risque que ce nouvel assaut ne fasse les choux gras des séparatistes. Les socialistes francophones savent pour leur part que la moindre concession sur les salaires et le niveau de vie profitera aux communistes du PTB. Ils n’ont par ailleurs d’autre choix que de se démarquer clairement du libéralisme radical prôné par Georges-Louis Bouchez, le président du Mouvement réformateur.
Ce n’est pas la première fois que la Vivaldi bat de l’aile, mais jusqu’ici le covid avait contraint les partenaires gouvernementaux à la cohésion. La liberté retrouvée pourrait pousser certains à des actions plus personnelles. Les partis se regardent en chien de faïence. Comme dans un duel, c’est à qui dégainera le premier.
Ce n’est pas la première fois que la Vivaldi bat de l’aile, mais jusqu’ici le covid avait contraint les partenaires gouvernementaux à la cohésion.