La réforme fiscale belge s’entoure de mystère
Elle est promise pour cet été et devrait accaparer le gouvernement du libéral Alexander De Croo
Avec les pensions, la réforme fiscale qui est annoncée pour cet été sera assurément l’un des temps forts de l’année politique. Dans son accord, la Vivaldi s’est engagée à la mener à bien, cinq ans après les changements apportés sur la facture des ménages et des entreprises par la coalition «suédoise» de Charles Michel.
Les temps changent, les revenus et les dépenses aussi, et l’Etat belge doit se donner les moyens de continuer à fonctionner, tout en évitant de couper financièrement les ailes à ceux qui le font vivre.
Mais le moins que l’on puisse écrire est qu’un silence prudent entoure les manoeuvres en cours. Il y a une quinzaine de jours, la «Libre Belgique» rendait toutefois public un rapport destiné à alimenter la réflexion du gouvernement, rapport qui prévoyait la suppression des chèques-repas, la taxation des allocations familiales ou encore la fin des régimes préférentiels d’épargne-pension. Autant de mesures (populaires) destinées jusqu’ici à apporter un bol d’oxygène au contribuable belge réputé surtaxé. Pour ne rien arranger, le passage de la TVA de 21 à 22 % viendrait grever le pouvoir d’achat en pleine période inflatoire. De quoi alimenter un peu plus la grogne, alors qu’un mouvement d’action national est prévu à la fin du mois. Le chef de groupe du Parti socialiste à la Chambre, Ahmed Laaouej, avertit: «La réforme fiscale ne peut être le véhicule d’une politique d’austérité». De leur côté, les libéraux francophones ont rappelé qu’il est hors de question d’augmenter les impôts sous cette législature.
Comment financer le déficit public? Mais alors comment faire? Comment financer le déficit public aggravé par le covid? Comment réussir la transition énergétique, rencontrer les objectifs climatiques, faire face au vieillissement de la population, prodiguer l’aide aux réfugiés ukrainiens, etc.?
La Commission européenne vient de donner du bois de rallonge aux Etats membres en affirmant que les conditions sont réunies pour maintenir en 2023 la «clause dérogatoire générale», laquelle assouplit la discipline budgétaire en suspendant les critères de convergence économique. La Commission encourage au passage la Belgique à augmenter son investissement public dans les transitions climatique et numérique, tout comme dans la sécurité énergétique. Elle en profite pour enfourcher l’un de ses dadas, insistant sur la nécessité d’une ... réforme fiscale et des allocations de chômage qui aboutirait à réduire «les obstacles à l’emploi».
Une telle perspective devrait plaire a priori au parti libéral flamand (Open-VLD) du premier ministre Alexander De Croo. Celui-ci rappelle par la voix de la secrétaire d’Etat Eva De Bleeker que le taux d’emploi est aujourd’hui de 74 % en Belgique – mais seulement 62 % à Bruxelles et 65 % en Wallonie
– contre plus de 80 % aux PaysBas ou en Allemagne. Travailler plus serait «la meilleure manière de soutenir le budget …»
Trop simple? Et s’il fallait carrément changer de paradigme? Dans «Le Soir», l’économiste Bruno Colmant, qui fut autrefois le chef cab’ du ministre des Finances – et actuel commissaire à la Justice – Didier Reynders, tire la sonnette d’alarme face à la crise économique annoncée et au défi climatique. Il dénonce notamment les règles budgétaires européennes «qui nous ont conduits à vouloir réduire, à marche forcée, les déficits budgétaires, sans faire la distinction entre dépenses courantes et dépenses d’investissement.»
Et pourtant, il va bien falloir trouver l’argent pour mener à terme les grands chantiers en cours dans une période qui s’annonce plus que critique.
La réforme fiscale ne peut être le véhicule d’une politique d’austérité Ahmed Laaouej, chef de groupe du Parti socialiste à la Chambre