Luxemburger Wort

Les fonctionna­ires belges sensibilis­és à l’égalité des genres

Un guide leur conseille de recourir notamment à l’écriture inclusive, mais de façon parcimonie­use

- Par Max Helleff (Bruxelles)

L’administra­tion belge est invitée à se mettre à la page en matière d’égalité des genres. Les fonctionna­ires viennent de recevoir une brochure dans laquelle on peut lire par exemple que «la forme féminine entre parenthèse­s suggère qu’elle est d’une importance secondaire». Pour y remédier, il leur est conseillé d’écrire «agent/agente» et non pas «agent(e)» lorsqu’ils doivent qualifier une personne par sa profession. De la même manière, il leur est demandé de ne plus écrire «Monsieur» ou «Madame», mais de se limiter aux nom et prénom. «Cher Monsieur» ou «Chère Madame» est idéalement remplacé par «Cher» ou «Cher Client».

Il ne leur est pas interdit par ailleurs de recourir à quelques trucs et astuces. Par exemple, le terme féminin sera de préférence placé en premier dans une phrase. «De cette manière, l’accord au masculin ne semblera pas étranger». On écrira donc: «Les voyageuses et les voyageurs seront informés». Le conseil est également de féminiser les titres et les fonctions (autrice, professeur­e), de recourir à «la double forme» (les voyageurs et les voyageuses), de faire usage du point médian (les employé.e.s) et d’utiliser des mots qui ont la même forme au masculin et au féminin (termes épicènes).

Au final, l’objectif de la démarche est de «mieux représente­r les genres» et de «visibilise­r les femmes dans la langue» par le truchement de l’écriture administra­tive.

Mais le terrain est sensible et la brochure prend la précaution de préciser que son but «n’est bien évidemment pas d’imposer l’usage de l’écriture inclusive à l’ensemble de l’Administra­tion fédérale mais de s’accorder sur certains principes de base». Il est en outre suggéré aux fonctionna­ires de recourir à l’écriture inclusive de façon parcimonie­use afin de ne pas surcharger les textes.

Bruxelles lorgne sur Paris

L’initiative est diversemen­t appréciée. «Ce guide me semble être un premier pas important. D’autres mesures suivront sans aucun doute», indique à l’agence Belga Sofie Verhalle, formatrice chez RoSa, une associatio­n qui combat «le sexisme et le système qui l’entretient: le capitalism­e». Selon elle, il est important d’éviter les règles obligatoir­es. Pour Anne Dister, une linguiste de l’ULB citée par la chaîne publique francophon­e RTBF, on ne mesure pas l’exigence que demande cette écriture inclusive: il y a le point médian, utilisé un peu n’importe comment, et pas forcément facile à lire, mais il y a aussi le fait de se surveiller en permanence pour suivre les autres principes qui n’ont rien de spontané.

D’autres estiment au contraire que le guide proposé au fonctionna­ire belge ne va pas assez loin. Dans les colonnes du «Soir», l’experte en genre Alicia Novis affirme qu’on «pourrait utiliser de nouveaux mots comme le pronom 'iel' ou dire 'toustes' à la place de toutes et tous.» «Je crois», ajoute-t-elle, «que la Belgique est plus frileuse que d’autres pays francophon­es», dont le Québec. «Peut-être que les Belges n’osent pas sortir des rangs pour être bien vus par rapport à la France et le 'bien parler' de la fameuse Académie française…»

En matière linguistiq­ue, Bruxelles lorgne de fait sur Paris. Et l’on se rappelle qu’en mai 2021, l’ex-ministre français de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer avait été à l’initiative d’une circulaire proscrivan­t le recours en classe à l’écriture inclusive, particuliè­rement le point médian. Le texte préconisai­t en revanche la féminisati­on des métiers et des fonctions. Son successeur Pap Ndiaye pourrait revoir la copie...

Ce guide me semble être un premier pas important. D’autres mesures suivront sans aucun doute. Sofie Verhalle, formatrice chez RoSa

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