Le retour sous surveillance des enfants du djihad
La Belgique fait le pari de désamorcer l’idéologie radicale encore bien présente chez ses nationaux rapatriés de Syrie
La Belgique vient de rapatrier seize enfants de djihadistes et six mères qui croupissaient dans le camp d’Al-Hol (nord-est de la Syrie) sous contrôle kurde. Tous sont belges.
Hasard ou non du calendrier, ces exfiltrations interviennent alors que vont être rendus cette semaine des verdicts très attendus. Le premier dans le procès des attentats de Paris qui se termine actuellement; le second dans ce qu’on appelle le procès du «Petit Paris», soit la comparution à Bruxelles des petites mains des terroristes du 13 Novembre.
Au cours des dernières années, la perspective de ces retours a beaucoup fait débat. Pouvait-on rapatrier des enfants sachant qu’ils ramèneraient peut-être avec eux l’idéologie qui a animé leurs géniteurs? Et si l’on rapatriait les enfants, fallait-il qu’ils soient nécessairement accompagnés de leurs mères avec le risque que celles-ci soient restées fidèles à Daech?
Le Premier ministre Alexander De Croo a tranché en faveur du rapatriement. En mars 2021, le libéral flamand avait promis de «tout faire» pour rapatrier les enfants de moins de douze ans dont la filiation belge est prouvée. «Des enfants qui n'ont absolument rien à voir avec les mauvais choix de leurs parents. Nous voulons donner un avenir à ces enfants», a-t-il cette fois déclaré.
Quand il dit «nous», Alexander De Croo parle de son gouvernement, en place depuis octobre 2020. En réalité, dès que la défaite de l’Etat islamique est devenue évidente à la fin de la décennie précédente, de nombreuses voix ont plaidé pour qu’il n’y ait pas de retours possibles. Le risque d’importer le terrorisme en Belgique n’est pas négligeable, selon certains analystes.
Un «suivi permanent»
En fin de compte, un dernier rapatriement a pu avoir lieu le 21 juin. Les enfants et les mères seront toutefois assujettis à un «suivi permanent» plus facile «à assurer sur le sol belge». Les femmes, déjà condamnées en Belgique pour participation aux activités d’un groupe terroriste, ont été remises à la justice dès leur arrivée. Cette exfiltration fait figure de principale opération du genre depuis la chute du groupe Etat islamique en 2019 et depuis la mise en détention dans des camps sous contrôle kurde de centaines de femmes et d’enfants, liés aux djihadistes, qui en fut la conséquence.
Une décennie s’est écoulée depuis le départ des premiers Belges pour la Syrie. Selon les sources, ils ont été entre 400 et 500 à s’enrôler aux côtés de l’Etat islamique. 140 sont rentrés au pays et ont dû rendre des comptes à la justice. Beaucoup sont morts au combat. Certains ont disparu.
Aujourd’hui, deux femmes sans enfant – donc non éligibles au retour – et deux mères de cinq enfants (qui refusent de renoncer à l’idéologie islamiste) restent dans les camps.
Un volet de ce dossier est clos. «Toutes les femmes et tous les enfants belges qui pouvaient être rapatriés des camps en Syrie ont été rapatriés en Belgique», a affirmé le procureur fédéral Frédéric Van Leeuw. Une précédente opération avait eu lieu en 2021. Le procureur précise que les enfants rapatriés sont tous nés entre 2010 et 2019 et qu’ils ont été immédiatement placés sous l’autorité des services et des parquets de la jeunesse. Selon l’Organe d’analyse de la menace (Ocam), «certains d’entre eux restent encore réceptifs à l’idéologie de Daech».
C’est donc un pari sur l’avenir que fait la société belge. Un pari en partie humanitaire, mais aussi stratégique puisque la présence sur le territoire national des rapatriés fait dire aux autorités qu’ils seront plus faciles à surveiller. Il n’y aura pas de droit à l’erreur.
Certains d’entre eux restent encore réceptifs à l’idéologie de Daech. Organe d’analyse de la menace