Ne pas perdre la boule
L’installation «Distance» de Jeppe Hein à la Konschthal invite le visiteur à jouer le jeu
La Konschthal d’Esch/Alzette, pour sa première exposition monothématique, met le design en lumière. Et plus particulièrement, le métal décliné en mode pluriel.
Un choix qui n’est pas sans rappeler le passé industriel de la Métropole du Fer. Avec l’exposition «Metal Works – Designing &
Making», les cimaises eschoises réalisent le grand écart entre un passé industriel et une création résolument contemporaine.
Installer une quarantaine d’objets design là où jadis étaient exposés et vendus des meubles tout autant design, n’a rien d’anodin. D’autant plus, que ces créations contemporaines jouent avec une ambiguïté certaine et voulue. Telle chaise, telle table est-ce une pièce de mobilier pour un usage au quotidien? Ou bien s’agit-il plutôt d’une pièce d’art à uniquement contempler? La réponse reste volontairement ouverte. Pour appuyer un peu plus le doute, les deux commissaires de «Metal Works – Designing & Making», Georges Zigrand et Charlotte Masse, ont fait le choix de présenter les pièces déposées à même le sol pour mieux encore souligner leur (double) fonctionnalité. Les textes explicatifs se résument à larges bandes appliquées au sol. Les murs, faits de béton et de structures d’acier, conservent par la même occasion leur aspect brut de décoffrage. Un éclairage judicieux plonge les oeuvres-objets dans une ambiance tamisée, renforçant leur luminosité naturelle. «Cette exposition a pour but d’illustrer les nombreuses techniques utilisées pour transformer la matière. Les formes d’expressions sont tout aussi variées», explique Georges Zigrand.
Le parcours de l’exposition est divisé en plusieurs étapes, reprenant chacune une technique particulière: coulage, martelage, découpage, usinage, superforming, impression additive, électroformage, gonflage... Des procédés artisanaux aux innovations technologies les plus avancées, le large showroom de la Konschthal laisse défiler les nombreuses possibilités qu’offre le traitement d’une matière multiple, métal, fer, aluminium simple ou brossé, cuivre deviennent l’apanage d’artistes, qui n’ont cesse se repousser les limites, les contraintes.
Dissertation avec la matière
De cette dissertation avec la matière naissent des créations souvent surprenantes, qui au-delà d’une première impression de déjà-vu laissent éclater au grand jour des détails, des finesses nouvelles. Pièces uniques, prototypes confectionnés à la main ou objets produits
Un labyrinthe d’acier, aux allures de montagnes russes, a envahi les différents étages de la Konschthal. A son arrivée, le visiteur déclenche, sans trop s’en rendre compte, le lancement d’une boule blanche, qui sur des rails va parcourir l’ensemble de l’espace.
Au visiteur, de ne pas perdre la boule des yeux, de suivre son parcours dans ce dédale, entre montées et descentes.
«Homo ludens»
Cette installation «Distance» de l’artiste danois Jeppe Hein a été créée en 2004 et a déjà été montée à différents endroits. Avec à chaque fois, une adaptation à la physionomie particulière des lieux. A la Konschthal d’Esch, sur près d’un kilomètre, le visiteur est donc invité à de vivre au plus près cette expérience et surtout à jouer le jeu. Car, pour Jeppe Hein, il s’agit bien
Cette exposition illustre les techniques utilisées pour transformer la matière. Les formes d'expressions sont tout aussi variées. Georges Zigrand, commissaire
ici d’un jeu. Calqué sur le jeu de billes de l’enfance, l’oeuvre profite d’un jeu d’échelle pour transformer le spectateur en joueur en le plongeant dans un univers monumental. en série par des outils technologiques et numériques, l’offre est abondante et témoigne d’une réelle vivacité
La quarantaine de pièces présentées sont l’oeuvre d’une vingtaine de designers ou artistes, parmi eux quelques grosses pointures, tels les frères Ronan and Erwan Bouroullec, Joris Laarman Lab ou encore Wim Delvoye, sans oublier quelques noms moins connus, tels le Luxembourgeois Christophe de la Fontaine. Tous sont motivés, à des échelles diverses, par une farouche volonté d’en découdre avec la matière. «L’expérimentation d’un matériau est une méthode de travail qui implique d’identifier ses propriétés physiques et scientifiques et de s’approprier les processus de transformation.
Les références au concept de l’«homo ludens» de Johann Huizinga, historien de la culture néerlandais, sont tout sauf fortuites.
«Distance» propose de plus une nouvelle approche et expérience
Un dédale d’acier à appréhender. C’est dans cette relation au métal que les créateurs [...] ont décidé de se positionner et de produire une ’oeuvre’ à la frontière entre le design et l’art contemporain», soulignent les commissaires de l’exposition. L’exposition «Metal Works – Designing & Making» mise sur la simplicité des formes, lignes et courbes, pour finalement laisser apparaître une plastique épurée. Georges Zigrand laisse entendre que ce premier rendez-vous entièrement voué à l’art du design pourrait n’être que le début d’une série. «Cette thématique pourrait servir de fil rouge dans la programmation future de la Konschthal».
L’exposition est à voir jusqu’au 4 septembre. Détails: voir ci-dessous. de l’expérience muséale, donc de l’approche de l’art – loin des règles, canons et connaissances requises d’usage.
Ce détournement ludique et enjoué de la réalité trouve un prolongement à l’extérieur de la Konschthal avec un autre installation, le «Modified Social Bench», exposé dans le cadre de «Nothing is Permanent», le parcours de sculptures éparpillé dans différents lieux de la ville. Avec ce banc, aux allures et formes incongrues, Jeppe Hein met au défi le visiteur de prendre place. Une fois encore, l’artiste invite au jeu... thi
Expo Jeppe Hein à la Konschtahl d’Esch/Alzette, jusqu’au 4 septembre, le mercredi de 11 à 18 h, le jeudi de 11 à 20 h, les vendredi, samedi et dimanche de 11 à 18 h. Fermeture, lundi et mardi. Konschthal, 29-33, boulevard Prince Henri, L-4280 Esch/Alzette.
www.konschthal.lu