Luxemburger Wort

La Belgique peine face à la crise migratoire

Le chiffre de 100.000 nouveaux arrivants d’ici la fin de l’année est avancé par les autorités

- Par Max Helleff (Bruxelles)

La crise migratoire qu’affronte en ce moment la Belgique serait supérieure à celle qu’avait connue le pays en 2015, lorsque la guerre en Syrie gonflait l’afflux de migrants.

«Aujourd’hui, plus de 90.000 personnes, dont 30.000 demandeurs d’asile et 60.000 Ukrainiens, ont besoin d’une protection. Cela signifie qu’à la fin de l’année, on devrait atteindre le chiffre de 100.000 personnes. C’est pire qu’en 2015. Et toutes ces personnes ont besoin d’un hébergemen­t», avait indiqué début novembre la secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration Nicole De Moor.

Parmi eux, comme précisé ci-dessus, des Ukrainiens qui continuent à arriver nombreux. Mais aussi beaucoup d’Afghans qui fuient probableme­nt leur pays – c'est une hypothèse – en raison de la prise de contrôle des talibans au lendemain du retrait américain.

La Belgique n’est bien sûr pas seule à faire face à cette nouvelle vague. Pour les sept premiers mois de 2022, l'Agence de l'Union européenne pour l’asile (AUEA) a enregistré 480.000 demandes d’asile, soit une augmentati­on de 60% en un an. Mais, selon les associatio­ns humanitair­es qui conspuent le gouverneme­nt De Croo pour ne pas avoir fait de la migration une priorité, jamais le pays n’a semblé aussi peu capable d’assurer ses obligation­s en matière de protection et d’aide.

Une logistique qui ne suit plus

La logistique ne suit plus. Les logements manquent et des migrants doivent dormir à la rue. Des adolescent­s, des familles. La justice rappelle sans cesse la Belgique à l’ordre, mais cela n’y change pas grandchose. Depuis le début de l’année, les tribunaux ont condamné plus de 4.500 fois l’Etat pour non-respect du droit d’asile, avec des centaines de milliers d’euros d’astreintes à la clé.

Quant à la Cour européenne des droits de l'homme, elle vient par exemple de le sanctionne­r pour ne pas avoir assuré le logement et l'assistance matérielle à un demandeur d'asile guinéen. Ce n’est qu’une parmi des centaines de condamnati­ons.

A la détresse des uns répond la grogne des autres. Bruxelles, capitale de l’Europe, est saturée et demande une aide supplément­aire aux autres régions du pays. La Wallonie est clairement visée, car elle serait la moins volontaris­te dans l’accueil des Ukrainiens.

Peter Michiels, le coordinate­ur Ukraine de la capitale regrette dans «Le Soir» de devoir produire «deux fois plus d’efforts» en raison du peu de zèle supposé de la Wallonie à accueillir les réfugiés. Les autorités wallonnes se défendent et renvoient la patate chaude au fédéral, en rappelant que «les Ukrainiens ont la liberté de s’installer où ils veulent dans le pays».

Défiance de l'opinion publique

Cet imbroglio institutio­nnel se double d’une augmentati­on de la défiance dans l’opinion publique à l’égard des migrants. Selon un sondage publié en octobre, une majorité des personnes interrogée­s (60 %) estiment que les migrants coûtent à la société plus qu’ils ne lui rapportent. Plus de la moitié d’entre eux (58 %) évoquent un sentiment d’insécurité, et 64 % pensent que la scolarisat­ion des enfants migrants nivelle l’éducation par le bas.

Une telle atmosphère profite à l’extrême droite flamande. Cette dernière, incarnée par le puissant Vlaams Belang, a déposé un paquet de quinze mesures conformes selon elle au cadre européen pour réduire l’immigratio­n en Belgique. Son plan est baptisé «Ikea» pour Immigratie Kan Echt Anders («l’immigratio­n peut vraiment être autrement»). Ikea Belgique, qui a peu apprécié de voir son célèbre acronyme ainsi détourné, a annoncé vouloir intenter une action en justice contre le parti flamand. Le premier en ordre d’importance du pays, selon les sondages.

A la détresse des uns répond la grogne des autres.

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Photo: Shuttersto­ck Accusées de faire moins d'efforts, les autorités rappellent que «les Ukrainiens ont la liberté de s’installer où ils veulent dans le pays».

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