L’arbre, le feu, l’artiste – une fusion magique
Les récentes sculptures de l’artiste Jhemp Bastin exposées à la galerie Simoncini sont autant de témoignages de la mémoire des temps que d’une vision contemporaine
Une rencontre qui remonte à lurette. Dans la nuit noire, activant son chalumeau de soudure, un feu ouvert, un homme, visage caché par son masque de protection. Vision nocturne insolite dans la cour de la laiterie désaffectée de Bettembourg, lieu alternatif et tremplin offert aux jeunes artistes. Intensément concentré sur l’action, Jhemp Bastin travaille au millimètre près le tronc dans un respect profond de la forme originale, tout en noircissant certains espaces, d’où cette touche noire si caractéristique de la démarche artistique.
L’artiste associe bois et feu pour des formes patiemment travaillées en creux à la scie et qui font la part belle aux structures engendrées par les vides livrées au feu avec ses accidents et hasards. Un véritable défi. Sont suggérées des sortes de grillages, d’autres fois, des stries évoquant les sillons de champs labourés. L’arbre abattu renaît ainsi à une vie nouvelle. N'est-ce pas là que se tisse également le fil liant la notion archaïque de la forêt au contemporain? Osmose.
Un parcours surprenant
Etant l’aîné de quatre enfants de parents fermiers de l’Oesling, Jhemp Bastin était prédestiné à reprendre un jour l’exploitation. Il optera pour les chemins de traverse: les arts.
Jhemp Bastin, fort de ses études d’art à Paris et Bruxelles, se consacrera à de multiples recherches et expérimentations. En feuilletant la remarquable monographie paru aux éditions Saint-Paul en 2010, on se familiarisera avec les travaux des débuts, sur bois, plâtre, et carton. Ou encore avec ces sculptures en métal, aux strictes lignes droites, suivies vers 1994 par des oeuvres plus ludiques, dont les plus admirables seraient les techniques mixtes, tels ces «small sized insignificant objects» ou encore époustouflante sculpture suspendue, en papier mâché, «between horizons» toute en épure, alliant un «Bleu Klein» à des violets subtils.
La renommée se fait rapidement, les expositions internationales aux quatre coins de l’Europe, au Japon également et à New York, se succèdent, et des prix d’excellence se veulent autant d’hommages à un talent prometteur, tels les deux Prix dédiés à la Jeune Création, suivies par d’autres dont le prestigieux Prix Raville. Dès 1998 André Simoncini adoptera cet artiste prometteur, qui depuis, expose régulièrement dans sa galerie. Décisive pour les travaux sur bois a été l’acquisition d’une ancienne ferme à Bitscht propice à l’installation d’un atelier et dès 2016, d’un vaste espace en hauteur équipé des indispensables et impressionnantes tronçonneuses. C’est un artiste exigeant envers lui-même, fidèle à sa voie, un personnage discret et affable qui expose ses sculptures récentes, symbiose d’élégance séduisante et de rigueur austère.
Jhemp Bastin, vous avec grandi dans une famille de fermiers et aspiriez à devenir artiste. Plutôt surprenant, surtout pour vos parents?
Oui, un peu, mais ils ne s’y opposaient pas. Mon père me disait toujours: «Si tu fais quelque chose, mets-y toute ton énergie et fais-le au mieux.» C’est sous la houlette de mon prof Georges Fautsch, que j’ai pris goût au modelage et à l’expression tridimensionnelle.
Au début vous explorez divers matériaux, aux résultats forts convaincants. Ensuite vous n’aurez d’yeux que pour le bois: des troncs de chêne, de hêtre, de robinier, déjà abattus, que vous allez choisir dans les forêts environnantes.
A l’académie des Beaux-Arts de Bruxelles j’ai travaillé l’argile, le plâtre, l’aluminium, le fer et j’ai appris à faire des moulages et des tirages en résine polyester. Ensuite à Paris j’ai