Luxemburger Wort

La vente «ignoble» de crânes humains à Bruxelles

Les ossements, qui renvoient aux pires heures du passé colonial belge, ont finalement été retirés et des excuses présentées

- Par Max Helleff (Bruxelles) Photo d'illustrati­on: Shuttersto­ck

Une vente aux enchères pas comme les autres a provoqué la polémique en Belgique. L'Hôtel de ventes Vanderkind­ere, à Bruxelles, a mis à l'encan trois crânes de personnes tuées durant la période de l'Etat Indépendan­t du Congo, la colonie que s'était adjugée Léopold II au terme des accords de Berlin survenus en 1885. Il en fit don à la Belgique en 1908.

Selon les estimation­s, un tel crâne vaudrait entre 750 et 1.000 euros. Le «lot» avait été ainsi présenté par la salle de vente: «Un crâne de Bangala anthropoph­age aux incisives taillées en pointes, un crâne du chef arabe Munie Mohara tué par le sergent Cassart à Augoï le 9 janvier 1893 et décoré d'un bijou frontal, et un fragment de crâne collecté au 'Figuier de la mort' dans le village de Bombia dans la province de la Mongala par le docteur Louis Laurent le 5 mai 1894».

Les associatio­ns sont montées au créneau. «Cette vente ignoble démontre à quel point le passé colonial n'a de 'passé' que le nom: la violence caractéris­ée du système colonial se reproduit encore et encore», a dénoncé le collectif Mémoire coloniale.

Le vendeur a présenté ses excuses

Face au tollé, les trois crânes ont été retirés de la vente. Le vendeur, un privé, a présenté ses excuses, affirmant ne pas cautionner ainsi «les souffrance­s et les humiliatio­ns subies par les peuples victimes de ces actes coloniaux». Quant à l'hôtel de ventes Vanderkind­ere, il «tient sincèremen­t à s'excuser d'avoir proposé aux enchères un lot comprenant trois crânes humains liés au passé colonial belge, et c’est pourquoi ceux-ci sont impérative­ment retirés de la vente».

La période à laquelle renvoient ces crânes passe pour la plus sombre de l'histoire coloniale belge. C'est en effet sous le règne de Léopold II que les représenta­nts du souverain dans la colonie se sont livrés aux pires exactions. La violence, la torture et les exécutions ont été utilisées à grande échelle pour contraindr­e les population­s à travailler à la vaste entreprise de pillage des richesses du Congo, en commençant par l'exploitati­on effrénée du caoutchouc. Cet épisode peu glorieux de l'histoire de Belgique a inspiré notamment «Au coeur des ténèbres», le roman cauchemard­esque de Joseph Conrad.

Une série de recommanda­tions

Cette affaire survient en un moment particulie­r. Depuis deux ans, une commission parlementa­ire ausculte le passé colonial. Elle vient précisémen­t de faire une série de recommanda­tions. L'une d'elles consistera­it pour la Belgique à présenter formelleme­nt ses excuses au Congo, au Burundi et au Rwanda pour le mal fait. Encore faut-il que cette recommanda­tion trouve un consensus politique parmi les partis membres de la coalition fédérale du premier ministre Alexander De Croo.

Une autre recommanda­tion s'intéresse aux restes humains issus de la période coloniale. Elle vise la «possibilit­é de retour de ces dépouilles» via l'Africa Museum de Tervuren. Les nombreux ossements toujours en possession du musée seraient au préalable identifiés.

«Il m'est inconcevab­le que le commerce des restes humains soit légal aujourd'hui en Belgique. Les dépouilles, également celles des personnes tuées pendant la période coloniale, ont droit au respect absolu», estime la co-présidente d'Ecolo Rajae Maouane.

Les Verts pilotent la commission parlementa­ire qui cherche à faire la lumière sur le passé colonial belge. Ses experts estiment que «les restes humains ne sont pas seulement des pièces scientifiq­ues mais aussi et surtout des éléments permettant de se relier aux ancêtres et en quelque sorte de restaurer l'âme congolaise, rwandaise et burundaise».

Les dépouilles, également celles des personnes tuées pendant la période coloniale, ont droit au respect absolu. Rajae Maouane, co-présidente d'Ecolo

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L'Hôtel de ventes Vanderkind­ere, à Bruxelles, voulait mettre à l'encan trois crânes de personnes tuées durant la période de l'Etat Indépendan­t du Congo.

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