Luxemburger Wort

L'appel aux armes

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Les mots de François Bausch – «Je n’ai jamais été pacifiste» – nous apparaisse­nt comme une sorte de dévoilemen­t, un «coming out» en somme, ils procèdent en vérité d’une pétition de principe aussi nécessaire que salutaire, car rien ne serait plus intolérabl­e, moralement parlant, que d’ânonner «peace and love» face aux appels à l’aide de l’Ukraine dans les griffes du prédateur russe. Il n’empêche: ces mots – «Je n’ai jamais été pacifiste» – ont le poids d’un changement de paradigme, ce changement ouvre une boîte de Pandore dont surgira une population prête à donner ses derniers fusils de chasse, voire à marcher avec Zelensky si demain lui venait l’idée de reprendre la Crimée. Car nous tous en sommes saturés, de cette guerre, nous tous sommes prêts à tout pour en finir et c’est en ceci que réside le danger.

Le 24 février 2022, c’était il y a un an, la soldatesqu­e de Vladimir Poutine agressait l’Ukraine, et pensait la posséder très vite. Or l’Ukraine a résisté et résiste encore, au prix de dizaines de milliers de morts de part et d’autre, au cours de cette guerre dans laquelle l’Europe est, quoi qu’elle en dise, partie prenante, par sa déterminat­ion à ne pas abandonner l’Ukraine à son agresseur.

L’Europe militaire est en état de pénurie.

Or l’Europe se rend compte maintenant qu’elle n’a plus de munitions en quantités suffisante­s. Selon l’OTAN l'Ukraine consomme plus de munitions que l’Alliance ne peut en produire. Moscou ne l’ignore point, et table sur un épuisement des ressources pour mener à bien ce qu’il faut bien appeler désormais une «guerre d’usure».

L’armée française calcule que l'ensemble des chars français auraient été détruits en un seul mois dans le Donbass, l’Allemagne répare ses panzers et les Britanniqu­es apprennent qu’en cas de guerre la Grande-Bretagne perdrait en cinq jours – selon les Communes l’envoi de matériels à l’Ukraine, joint à la réduction des effectifs de l’armée de terre, laisse les troupes britanniqu­es dans un état «sinistre».

Effet «collatéral» de ces constats de carence: l’appel au réarmement. Partout se font entendre des injonction­s pour une «remontée en puissance». Or cet appel, que l’on croyait devenu inaudible, se fraie sa voie dans des opinions publiques qui après un an d’«usure» sont loin déjà de la sidération qui fut la nôtre en février de l’année dernière: la guerre a imposé sa loi, sur les champs militaires comme dans les mentalités, qui semblent prêtes à bien des reniements désormais pour en finir.

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La chronique de Gaston Carré

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