Luxemburger Wort

Le piratage éthique légalisé en Belgique

Rendu transparen­t, il doit permettre d’anticiper et de repousser les attaques des hackers sur les systèmes informatiq­ues

- Par Max Helleff (Bruxelles)

Le piratage informatiq­ue est un véritable fléau. Pas un particulie­r, pas une entreprise, pas une institutio­n qui puisse prétendre lui échapper en toutes circonstan­ces. Une solution existe toutefois pour s’en prémunir: faire appel à des «pirates éthiques» qui forcent «légalement» la porte d’entrée des systèmes informatiq­ues afin d’en détecter les failles. Au bout du compte, ils contribuen­t à en améliorer la sécurité.

Jusqu’à présent, le piratage éthique était globalemen­t interdit en Belgique. Désormais, il sera autorisé pourvu que certaines procédures soient correcteme­nt suivies, telles que le signalemen­t en temps opportun et l'absence d'auto-profit. Ce changement de paradigme est souligné comme une première en Europe.

La volonté du législateu­r est d’encadrer une pratique qui peut s’avérer précieuse en termes de sécurité informatiq­ue. Il existait jusqu’ici un cadre juridique concocté par le Centre pour la cybersécur­ité afin de permettre aux organisati­ons d’autoriser les «intrusions de courtoisie» sur leurs réseaux informatiq­ues. Mais cette procédure était très peu utilisée, donc insuffisam­ment efficace, d’où l’idée d’autoriser les intrusions «bienveilla­ntes» même si elles proviennen­t des pirates eux-mêmes.

Des conditions strictes à respecter

«Ce cadre réglementa­ire ne leur donne évidemment pas un blancseing pour s’introduire de n’importe quelle manière dans les systèmes» a tenu à nuancer Phedra Clouner, la directrice adjointe du Centre pour la cybersécur­ité Belgique (CCB) sur les ondes de la RTBF. «Mais si certaines conditions très strictes sont respectées, alors là les personnes qui font part de vulnérabil­ités trouvées dans des systèmes qui ne leur appartienn­ent pas sont effectivem­ent protégées.»

Sans surprise, l’intrusion «bienveilla­nte» doit être proportion­née. Elle ne peut aller au-delà de la détection de la faille. Pas question de récolter au passage des datas. Une fois les faiblesses identifiée­s, le pirate éthique doit en informer les autorités et le propriétai­re du système informatiq­ue défaillant.

Autrefois, une telle intrusion aurait valu à son auteur de se retrouver devant le juge, avec pour conséquenc­e qu’il aurait préféré taire sa découverte. La loi du 6 juillet 2017, dite «pot-pourri V», avait alourdi les sanctions prévues contre les pirates informatiq­ues, les plafonds des peines d’emprisonne­ment passant de 2 ans à 3 ans et de 3 ans à 5 ans. Quant au recours au pirate éthique, il était le plus souvent interdit comme expliqué cidessus. Le système informatiq­ue défaillant restait ainsi potentiell­ement à la merci des hackers.

La volonté du législateu­r est d’encadrer une pratique qui peut s’avérer précieuse en termes de sécurité informatiq­ue.

Aujourd'hui, eu égard au nouveau cadre juridique, les autorités belges espèrent que des «découvreur­s» leur rapportero­nt leurs observatio­ns et qu’il sera ainsi possible de remédier aux failles. Dire que la Belgique est un immense terrain de jeu pour les hackers est un lieu commun. La présence des institutio­ns européenne­s, de l’Otan et de nombreuses multinatio­nales en fait un haut-lieu de l’informatio­n stratégiqu­e.

Sans aller jusque-là, on se souvient de la cyberattaq­ue lancée contre l'intercommu­nale luxembourg­eoise des soins de santé Vivalia et revendiqué­e par le groupe ransomware Lockbit. Les failles des systèmes informatiq­ues des hôpitaux belges étaient pourtant connues des initiés. Avec la nouvelle loi, de tels incidents pourraient être évités.

Pour que l’agneau ne se transforme pas en loup, la nouvelle loi interdit bien sûr au pirate éthique le hacking et le phishing. Elle lui refuse également de faire publiqueme­nt mention de sa découverte, histoire de ne pas éveiller la curiosité des hackers qui ont bien souvent un coup d’avance.

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Photo: Shuttersto­ck La volonté du législateu­r est d’encadrer une pratique qui peut s’avérer précieuse en termes de sécurité informatiq­ue.

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