Luxemburger Wort

Vol au-dessus d’un nid de demandeurs d’asile

A Bruxelles, la situation des migrants atteint une dimension ubuesque sur fond de tensions entre les différents niveaux de pouvoir

- Par Max Helleff (Bruxelles)

Une évacuation était prévue pour en finir avec un camp de tentes improvisé, monté de bric et de broc le long du canal et sur un pont situé près du Petit Château (centre d’accueil des demandeurs d’asile), dans la commune bruxellois­e de Molenbeek. Les bus étaient prêts. Mais l'ordre a été annulé au dernier moment pour des raisons de sécurité.

Ce qui se passe aujourd'hui à Molenbeek est emblématiq­ue de la situation que vivent entre 2.000 et 3.000 migrants dans la capitale de l'Europe, et de l'incapacité des autorités belges à y faire face. Le camp de fortune dont il est question est apparu il y a cinq mois, en raison de l'absence de logements disponible­s pour les demandeurs d'asile. Mais le nombre de ses tentes a explosé tout récemment en raison de l'évacuation d’un autre abri improvisé.

Ce squat de la rue des Palais, situé cette fois dans la commune proche de Schaerbeek, aurait abrité jusqu'à 1.000 personnes avant d'être finalement vidé manu militari, sans que l'agence fédérale en charge de l'asile (Fedasil) ne réussisse à recaser tous ses habitants.

De tels incidents se sont multipliés ces dernières années dans la capitale de l'Europe, avec leur lot de drames, mais aussi leur part d'insécurité. «Nous devons prévoir des renforts policiers, des services de prévention et des agents communaux additionne­ls. La situation devient dangereuse. La bourgmestr­e souhaite dès lors qu'une solution urgente soit trouvée», a confié le porteparol­e de Catherine Moureaux, l'élue socialiste qui dirige Molenbeek. Des maladies comme la gale profitent en outre de cet afflux de misère. La situation en devient ubuesque. Les communes concernées, la région bruxellois­e et le gouverneme­nt fédéral se renvoient la balle. Lors d'une évacuation précédente, le Premier ministre belge Alexander De Croo a évoqué un dysfonctio­nnement des autorités locales, les accusant de ne pas avoir transmis les bonnes informatio­ns au fédéral. Celles-ci rétorquent au contraire que ledit fédéral ne se montre pas à la hauteur. Au Parlement bruxellois, c'est l'inégalité de traitement réservé aux ex-occupants du squat de la rue des Palais qui fait débat: si les uns sont toujours astreints à dormir à la rue, d'autres ont été hébergés temporaire­ment dans un hôtel en bordure de la capitale par le gouverneme­nt De Croo, qui aurait omis d'en avertir les autorités régionales. «Je dois vous dire que si Fedasil veut donner la priorité aux demandeurs d'asile qui logent à l'hôtel sur ceux qui doivent dormir dans la rue, alors on a atteint les limites de ce qui est humainemen­t et moralement acceptable» ..., a lancé le ministre-président bruxellois Rudi Vervoort devant les députés régionaux.

L'opposition s'en donne à coeur joie

S'en est suivie une partie de cachecache. 140 lits ont été ouverts dans la commune d'Anderlecht, sans que l'on ne sache précisémen­t où, pour s'assurer qu'ils seraient bien attribués aux laissés-pour-compte de l'évacuation du squat de la rue des Palais, à Schaerbeek.

Les défenseurs des droits humains sont outrés. Et l'opposition au gouverneme­nt De Croo (la coalition Vivaldi) s'en donne à coeur joie. L'exsecrétai­re d'Etat à l'Asile et à la Migration, le nationalis­te flamand Theo Franken (N-VA), a ainsi racheté pour 50 euros une table saisie par un huissier dans le cadre d'une procédure contre l'agence fédérale de l'asile qui ne paie pas les astreintes auxquelles elle a été condamnée en raison de son incapacité à remplir ses obligation­s à l'égard des migrants. Francken a ensuite rendu la table à l'agence, y allant de ce commentair­e meurtrier: «Cette table est la meilleure preuve de la faillite de la politique d'asile de la Vivaldi».

Les communes concernées, la région bruxellois­e et le gouverneme­nt fédéral se renvoient la balle.

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Photo: AFP Lors d'une évacuation précédente, le Premier ministre belge Alexander De Croo a évoqué un dysfonctio­nnement des autorités locales.

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