Culture, art et nature, avenir du site Mansfeld?
La Renaissance, clé de l’aménagement cohérent de Clausen au 21e siècle (2e partie)
Dans le cadre de la première partie de cet article, l’auteur a montré que l’importance patrimoniale et culturelle du site Mansfeld à Clausen se caractérise essentiellement par les créations de la deuxième moitié du 16e siècle. L’aménagement du quartier implique un effort pédagogique afin de mieux faire connaître les vestiges du château et des jardins disséminés en de multiples endroits ainsi qu’une action cohérente englobant les quartiers ayant autrefois fait partie du domaine mansfeldien. Cette deuxième partie de l’article est consacrée au coeur du site, à savoir aux vestiges du château et au parc. Nous nous limitons aux terrains et bâtiments qui sont, à l’exception d’une seule parcelle, la propriété de la Ville de Luxembourg et excluons de nos réflexions, pour le moment, l’ancien premier manoir de Mansfeld et les jardins suspendus, sis rue Malakoff.
Les jardins
Que faire des vestiges de l’ancien château et de la partie non encore construite des anciens jardins situés à l’est de l’église de Clausen (voir fig. 5)? Il semble clair que la place Sainte-Cunégonde, devant et autour de l’église, devrait être intégrée dans la réflexion globale, cette place ayant fait partie autrefois du parterre central des jardins, le labyrinthe végétal.
Mansfeld avait érigé un lieu de tranquillité rassemblant la culture, l’art et la nature. Cet espace célébrait à la fois l’antiquité, mais également la création artistique de son époque. On y trouvait des jardins savamment agencés, beaux et utiles, et de l’eau jaillissant d’un grand nombre de fontaines, les vestiges des fontaines de Saint-Pierre, de Vénus et de Bacchus1 subsistant encore dans le parc actuel. Rendre compréhensible et lisible pour les résidents, les promeneurs occasionnels et les touristes ce programme en mettant en valeur les vestiges de la Renaissance au service de l’homme et de l’art de notre époque, tel devrait être le Leitmotiv pour tout réaménagement contemporain. Il importe de donner une cohérence à l’aménagement futur, qui ne saurait être un patchwork de besoins multiples se concrétisant dans un lieu chargé d’histoire.
Le parc actuel est constitué par un peu plus de la moitié, en termes de surface, de l’ancien labyrinthe végétal (côté occidental, du côté de l’église de Clausen), dont le centre était le bassin de Saint-Pierre, et de l’ancien verger, dont le point central était constitué par la fontaine de Vénus. En suivant l’esprit mansfeldien de la tranquillité, déjà évoqué dans le cadre de l’aménagement général du quartier de Clausen, il n’est pas difficile de recréer aujourd’hui deux espaces calmes et utiles, à savoir un labyrinthe végétal débordant même sur une partie de la place Sainte-Cunégonde, faisant triompher ainsi la nature sur l’asphalte, ainsi qu’un verger, en respectant la limite historiquement établie entre ses deux parterres. Le cercle de tilleuls, vestige du 19e siècle, peut probablement être intégré de façon harmonieuse dans ce verger.
L’eau étant un élément central du jardin du château justement dénommé «La Fontaine», et même de l’histoire de Clausen, il faut refaire fonctionner les deux fontaines anciennes pour lesquelles cela serait possible, à savoir le grand bassin rectangulaire de Saint-Pierre et la probable fontaine de Bacchus devant les vestiges du château. Pour quelle raison faudrait-il installer des bassins modernes alors que les fontaines du 16e siècle, même réaménagées ultérieurement, pourraient faire la joie des personnes vivant au 21e siècle? La fontaine de Vénus, dont les vestiges sont impressionnants mais fragiles, pourrait rester sous terre, ou alors être visibles avec une protection adéquate contre les intempéries.
Les habitants du quartier, les promeneurs et les touristes disposeraient ainsi d’une oasis de paix, de verdure et d’eau, sur le modèle d’un jardin princier de la Renaissance. Les arbres fruitiers du verger pourraient en plus être choisis parmi des variétés locales anciennes, afin de les perpétuer et de les populariser auprès des habitants du quartier et des promeneurs. Si d’aucuns devaient estimer qu’il faudrait installer dans les anciens jardins de Mansfeld d’autres équipements, tels que des jeux pour les enfants ou un terrain de pétanque, on pourrait leur répondre que ces besoins sont certes légitimes, mais qu’il y a d’autres endroits à Clausen ou en ville pour les satisfaire. Le parc serait certainement un emplacement idéal pour installer un buste représentant Pierre-Ernest de Mansfeld, afin de rendre hommage au créateur des lieux.
Les vestiges du bassin de Neptune et de la grotte
Tout le monde est d’accord aujourd’hui pour que les vestiges les plus imposants des jardins architecturés, à savoir la fontaine de Neptune, la grotte artificielle (voir fig. 6) et le cryptoportique, longue galerie avec cinq niches dans lesquelles se trouvaient autrefois les bustes des cinq premiers empereurs romains, doivent être
protégés par une construction contemporaine et être ouverts à la visite. Cette nouvelle construction devrait à la fois reconstituer les gabarits des trois bâtiments d’origine ainsi que les différences de luminosité y ayant régné (luminosité forte pour le bassin de Neptune, autrefois ouvert au ciel, et pénombre dans la grotte artificielle) et être conçue de façon discrète afin de valoriser les vestiges. Il serait utile d’y intégrer un espace permettant de retracer l’histoire du site et surtout de montrer la reconstitution virtuelle du château.
Les bâtiments et la cour intérieure
Au nord du parc se trouvent plusieurs bâtiments, à savoir la maison dite «Fischer», en fait une maison datant de la réaffectation du domaine royal en 1780 agrandie au début du 19e siècle, les petites maisons construites dans l’ancien bâtiment de la grande galerie du château et l’ancienne tour d’angle (voir fig. 7).
La grande galerie est d’une importance cruciale dans l’architecture palatiale de la Renaissance. Elle était un élément central montrant le prestige du comte puis prince de Mansfeld en déployant une collection de tableaux représentant des scènes de bataille ainsi que des portraits des grands personnages. La galerie était éclairée au sud par huit grandes fenêtres à meneaux dont il en subsiste six (voir fig. 8, état actuel et 9, état d’origine). On peut donc affirmer que les deux tiers de cette façade ont traversé les siècles. Vu les petites constructions ultérieures ayant défiguré l’harmonie de l’architecture de la Renaissance, il semble important non seulement de supprimer ces ajouts sans intérêt et difficiles à valoriser, mais de reconstituer la totalité de la façade de la grande galerie. Cette reconstruction très partielle donnerait au promeneur du parc une indication de ce à quoi a pu ressembler le château de Mansfeld et rendrait l’ensemble du site nettement plus compréhensible et lisible. Vu que le murs nord du bâtiment subsiste également encore en partie, il serait judicieux de le reconstituer dans son entièreté et de recréer un volume utile au lieu du bric-à-brac de petites maisons actuelles. Cette galerie reconstituée pourrait faciliter le choix des fonctions à donner aux bâtiments (voir cidessous). Au rez-de-chaussée de ce bâtiment, et dans un esprit de favoriser la mobilité douce dans le quartier, un passage pourrait faciliter la circulation piétonne entre les jardins, au sud, et la cour intérieure, au nord.
Toute sorte de reconstruction est aujourd’hui décriée, dénigrée et assimilée par des esprits chagrins à une architecture «Disney». Il faut cependant se dire que sans reconstruction, la basilique d’Echternach n’existerait plus aujourd’hui en tant que telle, car elle a été reconstruite durant la deuxième moitié du 19e siècle ainsi que suite au dynamitage par les Allemands en décembre 1944. Le château de Vianden serait également toujours en ruine. En ce qui concerne la grande galerie de Clausen, la reconstruction partielle est facilitée par le fait que les dimensions sont connues grâce aux descriptions du château et aux murs et fenêtres subsistant encore.
L’ancienne cour intérieure du château, au nord des bâtiments, sera probablement rendue compréhensible pour le visiteur entrant par l’imposant portail en direction de la rue Malakoff (voir 1ère partie de l’article), vu que certaines maisons relativement récentes s’y trouvant aujourd’hui seront démolies. Reste à savoir ce qu’il faudrait faire de la maison dite «Fischer», construite sur et dans les vestiges de l’ancienne tour principale du château, habitation du comte Mansfeld, démolie en grandes parties à partir de 1778 et qu’il n’est pas question de reconstruire (voir fig. 7). Cette maison avait été érigée pour loger le jardinier royal et reste encore aujourd’hui une construction digne d’intérêt et de conservation. Elle renferme cependant plusieurs éléments d’origine du château, dont les anciens bassins d’eau alimentant les fontaines du parc et, dans sa partie arrière, une cave imposante ayant servi de cellier et au-dessus l’ancienne cuisine du château. Le mur nord de la maison «Fischer» donnant sur la cour intérieure est également, jusqu’à hauteur du deuxième étage, le mur d’origine du château. La construction actuelle, mélange du 16e et du 18e siècle, mérite donc d’être conservée et remise en état, dans le plus grand respect des vestiges du château. Rappelons que la tour du château était une construction en «L», le décrochement de la partie arrière restant bien visible dans la façade nord de la maison Fischer. Vu que cette partie arrière n’existe quasiment plus, il serait absolument possible et souhaitable d’y recréer un volume contemporain, en harmonie avec les vestiges des 16e et 18e siècles. Ceci permettrait d’agrandir de façon conséquente le volume utilisable de la maison Fischer (voir fig. 10, vue actuelle). Une autre maison du 19e siècle, non visible sur la photo, pourrait être intégrée dans cet ensemble.
Les fonctions des bâtiments
La question essentielle, à laquelle personne ne semble avoir de réponse à ce jour, est celui de l’utilisation cohérente des bâtiments de la grande galerie et de la maison «Fischer» ainsi rénovés, reconstruits partiellement ou agrandis ainsi que de la maison d’angle à l’est de la grande galerie, dont les murs sont encore en grande partie ceux d’une des anciennes tours du château. Tout en ne voulant absolument pas exclure une affectation partielle au logement, il semble là aussi important de se référer à l’origine du château. Sous Mansfeld, le bâtiment de la grande galerie était consacré à l’art. Rappelons que pendant quarante an, Clausen était un imposant chantier où travaillaient sans cesse artistes et artisans d’art. Pourquoi ne pas penser un futur programme dans cette continuité? La grande galerie recréée pourrait devenir un lieu d’exposition idéal pour des créations artistiques et artisanales contemporaines alors que le rez-dechaussée de ce bâtiment, la maison «Fischer» agrandie et la maison construite dans la tour d’angle pourraient accueillir des résidences et des ateliers d’artistes et d’artisans d’art.
Le château de Mansfeld à Clausen redeviendrait ainsi un lieu de création et d’ouverture d’esprit, en symbiose avec un parc apportant un cadre apaisant et naturel aux habitants du quartier et aux visiteurs occasionnels.
Il est probable, mais non entièrement certain, que le bassin découvert devant l’ancienne tour du château (aujourd’hui maison « Fischer ») est constitutif de la fontaine de Bacchus.
Erratum: Dans la première partie de cet article, parue dans la «Warte» du 2 mars, photos et légendes du portail d’entrée des jardins supérieurs et du portail du château proprement dit ont été inversées. Nous nous en excusons auprès de nos lecteurs.