«Le changement d'entraîneur est profitable à Gerson Rodrigues»
L’ancien coach de Muhlenbach, Fangio Buyse, est aux premières loges en Arabie Saoudite pour suivre les prestations de l’international luxembourgeois et de Cristiano Ronaldo
Véritable baroudeur, Fangio Buyse s'est posé depuis un an et demi à Abha, un club de l'élite saoudienne situé au sud-ouest du pays. L'ancien entraîneur de Muhlenbach y occupe la fonction de directeur sportif. Il forme des coachs tout en développant une Académie qui s'apprête enfin à s'occuper des jeunes de moins de douze ans. Buyse analyse le championnat saoudien, la performance de Gerson Rodrigues et l'arrivée de l'inoxydable Cristiano Ronaldo.
Fangio Buyse, on vous avait un peu perdu de vue depuis votre départ de Muhlenbach. Qu’êtes-vous devenu?
Mon départ de Muhlenbach correspondait à l’arrivée de la pandémie. Ma fille était à l’école au Luxembourg. On a hésité puis je suis finalement rentré à Deinze, ma ville de naissance où je me suis occupé des U21.
Avez-vous des regrets quand vous repensez à votre aventure au Bambësch?
Non, même si j’avais l’habitude de travailler dans un milieu plus professionnel. On a fait de bonnes choses. Mais le club n’a pas fait les transferts que je voulais à la trêve hivernale et les problèmes ont commencé dans le groupe. On aurait pu rester parmi l’élite mais la présidente donnait l’impression d’être fatiguée d’investir de l’argent dans le football. Je n’ai aucun regret. Le Fola m’avait contacté à l’époque. C’est la preuve que le boulot était apprécié par certains.
On vous retrouve à Abha, en Arabie Saoudite, dans un rôle de directeur sportif. Quel est le profil de la fonction là-bas?
Je suis arrivé il y a un an et demi. Je fus le premier à occuper cette fonction au pays. Je crois que le profil n’est pas complètement défini d’ailleurs. Je suis responsable de l’équipe et de l’Académie. Je ne m’occupe pas des transferts mais bien de la philosophie du club. Notamment celle de développer le football chez les U12 car ça n’existe pas! Ici, les garçons débutent leur formation à 13 ans. Imaginez le temps qu’ils perdent!
Quelle est la philosophie de votre club?
Former des joueurs pour les intégrer petit à petit dans l’équipe première. L’un des nos U20 vient d’être élu meilleur joueur du mois pour la deuxième fois et nous avions un jeune joueur à la Coupe du monde. Hervé Renard est venu nous rendre visite à ce sujet.
La langue ne constitue-t-elle pas un problème?
C’est le plus gros problème. On ne comprend rien et c’est impossible de se faire comprendre sans traducteur. Alors, j’en ai un constamment à mes côtés mais on ne sait pas ce qu’il traduit…
Et la chaleur?
Je suis dans le sud-ouest du pays. Là où il fait le moins chaud. Entre 20 et 30 degrés toute l’année car on est à 2.000 m d’altitude. Mais quand on va à Djeddah ou à Riyad, on sent la différence.
On peine à se forger une idée sur le niveau du championnat saoudien. Pouvez-vous nous éclairer?
On peut comparer ça au niveau belge. C’est très proche en tout cas au niveau technique et physique. C’est moins intense en partie en raison de la chaleur qui règne ici. Et c’est sans doute un cran en dessous au niveau tactique.
Sans manquer de respect au championnat grandducal, le niveau est largement supérieur ici. Fangio Buyse
Pourquoi?
Parce qu’il n’y a pas encore d’entraîneurs formés à un haut niveau. Pour donner une
comparaison, les meilleurs coaches ont un diplôme équivalent à l’UEFA B. Même un rien en dessous. Ce sont donc des étrangers qui coachent tous les clubs de première division. Mais les lignes bougent et le gouvernement investit énormément d’argent dans le football. Il faut laisser du temps pour que les choses se mettent en place.
Où situez-vous le championnat saoudien dans la confédération asiatique?
C’est le meilleur. Il suffit de voir les résultats de la Ligue des champions. Peut-être que le championnat japonais est très proche. Et l’équipe nationale a fait parler d’elle… Oui, c’est très positif. Personne ne s’attendait à ce qu’elle batte l’Argentine lors de la dernière Coupe du monde. Elle termine souvent les qualifications en tête de sa zone.
Votre club, Abha, s’est incliné il y a quelques jours contre Al-Wehda, le club de Gerson Rodrigues. Quel est votre objectif et le leur?
Le même. Se maintenir. Et je crois que nous avons le potentiel pour y arriver. Eux aussi d’ailleurs. Al-Wehda est un club inscrit dans la tradition saoudienne et n’oublions pas qu’il est promu. Deux clubs vont descendre et quatre vont monter. Le championnat va passer de 16 à 18 clubs, ce qui n’est pas une mauvaise chose, car derrière les trois ou quatre meilleurs, il y a vraiment une belle densité.
On s’inquiète quand on se penche sur les statistiques de Rodrigues. A-t-on raison?
Il a connu un début de championnat compliqué. Sans doute en raison de la période d’acclimatation mais ça va mieux depuis que son club a changé d’entraîneur. Le nouveau coach l’a repositionné dans l’axe. Il monte en puissance.
L’attraction de ces derniers mois, c’est bien sûr Cristiano Ronaldo. Une aubaine pour le championnat?
Bien sûr. Tous les matchs de son équipe (Al-Nassr) affichent complets. Le dernier était retransmis dans 68 pays dont le Portugal évidemment. Et lui a toujours un excellent niveau. Il n'est pas là que pour l’argent. Ça se voit dans son regard. Il tire son équipe et je les vois décrocher le titre car Al-Ittihad, le favori, accuse le coup physiquement en raison de l’enchaînement de ses matchs de Ligue des champions après la Coupe du monde.
Comment voyez-vous votre avenir personnel?
Sans manquer de respect au championnat grand-ducal, le niveau est largement supérieur ici. Mais dans notre métier, on sait que ça peut se terminer rapidement. Cependant le club voudrait que je prolonge l’aventure. Je me sens bien. Alors pourquoi pas? C’est quand même confortable d’un point de vue financier.
Le pays s’ouvre-t-il?
Oui je peux en témoigner. Les gens sont très accueillants et les joueurs qui ont la chance de pouvoir venir ici doivent la saisir.