Luxemburger Wort

L’audacieux et les débiles

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Ce mercredi 22 mars, Emmanuel Macron s’adresse aux Français pour défendre sa réforme des retraites. Il évoque les critiques et la colère que cette réforme a soulevées, face à son contenu comme à sa mise en oeuvre, à la hussarde, par le biais d’un nouveau recours à l’article 49.3 de la Constituti­on. Une réforme honnie donc, une méthode décriée? Le président prend acte du mécontente­ment, et l’assume crânement: «S'il faut endosser l'impopulari­té aujourd'hui, je l’endosserai.»

Emmanuel Macron fait songer à ces élèves qui, se sachant brillants, n’éprouvent pas le besoin d’être aimés en plus. Ce qu’on nomme son «arrogance» est là, dans ce renoncemen­t affiché, qui lui permet toutes les audaces. L’audace de l’obstinatio­n d’abord. Macron maintiendr­a sa réforme, contre vents et marées, au nom d’un bien commun dont il veut bien devenir le martyr. L’audace du langage ensuite, et de l’affront à ceux qu’il désigne: «Jamais les

Elisabeth Borne fustige un gouverneme­nt de «débiles».

smicards n’ont autant vu leur pouvoir d’achat augmenter», dit le chef de l’État. Les «smicards»! Hollande disait les «sans-dents», original sans être vulgaire. L’audace de l’outrage encore, quand le camp d’en face est présenté comme un ramassis d’«irresponsa­bles». La Nupes, une partie des Républicai­ns, des élus même du camp macronien: tous «irresponsa­bles»! L’audace du dénigremen­t enfin, quand la colère populaire est mise sur le compte de «factions» et de «factieux», quand Macron n’hésite pas à postuler une parité de principe entre les manifestat­ions en France, l’invasion du Capitole par les partisans de Trump et les provocatio­ns à Brasilia des soutiens de Bolsonaro. «On ne tolèrera aucun débordemen­t» ajoute le président, et l’on songe alors aux poubelles qui pendant ce temps débordent à Paris, sous les regards mi agacés mi complaisan­ts d’une population qui admet qu’il est des métiers qu’on ne voudrait exercer jusqu’à l’âge de 64 ans. Face à tant de poubelles, Emmanuel Macron peut se montrer bonne poire aussi. Cet homme que l’on dit arrogant a des élans d’affection. Pour sa Première ministre, Elisabeth Borne, dont il pense beaucoup de bien. Il en pense d’autant plus de bien que Borne pense beaucoup de mal de ses ministres – «Je suis à la tête d’un gouverneme­nt pour moitié composé de débiles» avait-elle dit à son arrivée à Matignon – et l’on songe alors qu’il a de l’audace, vraiment, ce président faisant l’éloge d’une ministre qui tient ses pairs pour des cancres.

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La chronique de Gaston Carré

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