Luxemburger Wort

Gabriel Attal, le nouvel homme

- La chronique de Gaston Carré

Gabriel Attal porte son homosexual­ité comme il porte son costume Balenciaga, avec élégance et naturel, ou avec une naturelle élégance. Est-il trivial d’évoquer ainsi, par le biais de son intimité, le nouveau Premier ministre français? Non: sa nomination est un signe sociétal, le marqueur d’une de ces évolutions qui, dans le champ des moeurs annoncent, précèdent ou entérinent les mutations politiques et idéologiqu­es.

La mutation, dans le cas Attal, réside en ceci: il assume son homosexual­ité sans la revendique­r, il la révèle sans l’exhiber, l’endosse sans l’invoquer – nulle déploratio­n, nulle récriminat­ion, rien qu’une acceptatio­n heureuse, décomplexé­e et non vindicativ­e de soi par soi. L’attitude d’Attal à cet égard n’est pas sans rappeler celle d’un autre jeune Premier, plus connu en nos latitudes, qui aura été précurseur en la matière. Xavier Bettel, c’est de lui bien sûr qu’il s’agit, eut lui aussi cette intelligen­ce de poser sa différence comme un état de fait, non comme un objet polémique. C’est avec cette différence, non en dépit d’elle, qu’il fut accepté, voire apprécié par de vastes pans de la population, c’est son naturel, son assurance tranquille qui lui permirent d’accomplir ce prodige: être homosexuel et, nonobstant, être perçu comme un gendre idéal.

La nomination de Gabriel Attal – soyons bonne poire, le temps d’accueillir l’année nouvelle, la réalité ne manquera pas de nous déniaiser – la nomination d’Attal donc signifie qu’en France, en 2024, on peut être Premier ministre, jeune et «différent». C’est assurément une bonne nouvelle.

Attal contre Depardieu, l’onction contre l’obscénité

Faisons le pari même qu’elle porte une leçon: les grandes causes s’imposent «mezza voce», par l’exemple placide plutôt que par la revendicat­ion véhémente. Les mutations vraies opèrent en profondeur, à bas bruit, et quand elles sont à point elles germent comme un légume devenu mûr.

Notons que le phénomène Attal advient alors que la France depuis des semaines flagelle Depardieu, sa figure inversée, machisme gaulois d’un côté, paritarism­e universali­ste de l’autre, obscénité rance contre onction post-«MeToo». Or vous verrez que les Depardieu vont disparaîtr­e comme apparaisse­nt les Attal: sans bruit ni pathos. Si leçon dès lors il y a, en cette année nouvelle, elle est en ceci: inutile de crier, inutile de trop s’agiter, les avancées adviennent sans même nous consulter, et les maux s’effacent sans qu’il faille les pousser.

: Vous verrez que les Depardieu vont disparaîtr­e comme apparaisse­nt les Attal: sans bruit ni pathos.

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