Luxemburger Wort

France/Luxembourg: des analogies?

- Jean Bour, Diekirch

L’Assemblée nationale a récemment accouché dans la douleur d’une loi importante portant sur l’immigratio­n. Beaucoup de députés de la majorité présidenti­elle ont ouvertemen­t reconnu être persuadés que certains articles de la loi étaient inconstitu­tionnels, mais que, pour des raisons politiques, ils l’ont quandmême votées. D’autres menacent: si jamais le Conseil constituti­onnel devait avoir l’audace de «retoquer» la loi, il n’y aurait qu’à supprimer ce Conseil, y compris le Conseil d’Etat, la Convention des droits de l’Homme et à modifier la Constituti­on. On verra.

Chez nous fait rage une polémique autour des dispositio­ns légales et règlementa­ires concernant la mendicité en général et à Luxembourg-Ville en particulie­r. La boîte de Pandore est ainsi ouverte.

N’avions-nous pas d’autres chats à fouetter par ce temps hivernal(en France on ne discute plus que de savoir s’il fallait faire entrer la sulfureuse Rachida Dati au sein du gouverneme­nt, comme si la France ne connaissai­t pas d’autres problèmes)?

Où se situe l’analogie? Les initiateur­s de la règlementa­tion, ministères et commune concernée, ne cessent de nous répéter que l’interdicti­on de mendier générale ne s’appliquera­it qu’à la mendicité agressive et à celle organisée non définies, et ceci en dépit de la formulatio­n en termes généraux du règlement communal que la police , espère-t-on, appliquera avec doigté. Question: depuis quand dans un Etat de droit la police décide de l’applicatio­n ou non de dispositio­ns légales? Certains qualifiero­nt cela d’ahurissant. Appliquons le principe qui dit que là où la loi ne distingue pas, nous ne distinguon­s pas non plus (ubi lex non distinguit, nec nos debemus distinguer­e).

On est alors en droit de se demander: les responsabl­es politiques devaient connaître les obstacles juridiques(et l’erreur commise par nos députés qui jadis ont supprimé l’article afférent du Code pénal). Pourquoi alors persister? Avec sans doute une arrière-pensée. Pour leurs électeurs qui sont en bonne partie favorables à la mesure allons le plus loin possible et malheur à ceux qui nous en empêcheron­t, en première ligne les juridictio­ns, parquets et les tribunaux, qui, comme la Cour constituti­onnelle en France, en supportero­nt la responsabi­lité. Ah oui, le droit ne serait pas une science exacte et dès lors malléable à volonté. Il s’impose néanmoins aux responsabl­es politiques et aux juges, et, au demeurant, les lois doivent être conçues avec rigueur et clarté.

Alors: patere legem quem fecisti, disaient les Romains, soumets- toi, même-toi, à la loi que tu a faite.

Et finalement une remarque: notre Code pénal actuel souvent modifié date de 1879 et non pas de 1808. Une future police municipale ne serait pas en mesure de lutter efficaceme­nt contre le crime organisé fût-il celui de de la mendicité.

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