«Terre! Terre!»
Terre! Terre!», s’écrie, un jour, un matelot de Christophe Colomb, qui vient de découvrir une terre à l’horizon. Contrairement à ce matelot, et comme le soupçonnait déjà son illustre maître, nous savons, aujourd’hui, que la Terre est ronde, et donc, limitée, une planète modeste, tournant autour d’une étoile banale, une Terre peuplée actuellement de quelque 8 milliards d’humains, et qui est dotée d’une spécificité extraordinaire, qui n’a été découverte nulle part ailleurs à ce jour: elle abrite la vie. Mais encore?
Certes, nous ne sommes qu’une des variantes de l’invraisemblable foisonnement des formes du vivant sur la planète bleue, mais une variante considérable, qui s’est avérée particulièrement conquérante, d’aucuns diraient même «invasive». Que l’on songe à l’inquiétude croissante face au réchauffement climatique, à la réduction drastique des espèces vivantes, aux multiples formes de pollution.
Unique au sein du système solaire, la Terre accueille la vie depuis au moins 3,5 milliards d’années. Sur notre planète, la vie est d’abord apparue dans les océans. Et si la vie a eu beau se diversifier au cours du temps, on sait aujourd’hui que tous les organismes descendent du même ancêtre commun, LUCA (Last Universal Common Ancestor). A partir des océans, la vie s’est ensuite propagée sur les continents et dans les airs. A telles enseignes qu’elle est désormais présente à peu près partout, y compris dans des endroits très inhospitaliers.
Malgré les pas de géant qu’a faits la science ces derniers temps, les débuts de la vie sur Terre sont encore mal connus. Si l’hypothèse d’un apport par des météorites d’organismes entiers, proches des bactéries, a été émise, elle paraît aujourd’hui hautement improbable. Selon la thèse actuellement la mieux accréditée, la matière organique se serait formée par l’évolution chimique des molécules comportant du carbone. Des interactions de cette matière seraient nées, toujours selon les scientifiques les plus en vue, des entités biologiques complexes, comme l’ADN et les protéines, puis des cellules, sans que la séquence des événements soit clairement élucidée.
Du géocentrisme à l’héliocentrisme. Jusqu’au XVIe siècle, l’astronomie européenne était dominée par la théorie géocentrique assez intuitive et conforme à la Bible. Déjà formulée par Aristote, puis développée par les astronomes de l’islam médiéval, cette pensée imagine le Ciel comme une vaste sphère tournant autour d’un axe dont la Terre occupe le centre. Copernic sera le premier à affirmer, mais sans preuve, que la Terre, planète en rotation, tourne autour du Soleil. Kepler montrera, ensuite, que les planètes ne suivent pas des trajectoires circulaires mais elliptiques. Il faudra attendre Galilée, fort des résultats expérimentaux avec sa lunette astronomique, pour avoir la preuve de l’efficacité du modèle héliocentrique. Se rétractant après avoir été condamné à abjurer sa doctrine, il semblerait que son fameux aparté «Eppur si muove» soit apocryphe. Enfin, Newton, en fondant la loi universelle de la gravitation, apporte la preuve ultime et irréfutable du mouvement des astres dans un univers local comme le système solaire.
Au début du XIXe siècle apparaît le concept de «modernité», marqueur de la croyance au progrès, à la domestication de la nature pour la mettre au service de l’homme. Le passage du Discours de la méthode (1637) où Descartes explique que la technique va «nous rendre comme maîtres et possesseurs de la Nature» a, à cet égard, valeur d’annonce prophétique. Encore que, de nos jours, la dualité nature/culture, laquelle a longtemps et largement structuré la pensée occidentale, ne fasse plus guère l’unanimité parmi les philosophes, comme le montre, dans Par-delà nature et culture (2005), l’anthropologue Philippe Descola, pour qui l’idée de «nature» est elle-même une construction culturelle. Ce qui le pousse à prôner une théorie non dualiste, prenant en compte autant les relations entre humains et non-humains que celles des humains entre eux.
Depuis le milieu du XXe siècle, on est entré dans une nouvelle époque géologique, celle que l’on appelle, à la suite du chimiste Paul Crutzen, l’«anthropocène», et dont ce dernier proposait comme point de départ la mise au point de la machine à vapeur, emblème, s’il en est, de l’industrialisation moderne. L’humanité serait ainsi une force de transformation de la planète comparable aux mouvements des plaques tectoniques, aux éruptions volcaniques ou encore aux météorites. Tant il s’avère, depuis le mitan du siècle écoulé, que le rapport des sociétés humaines à la planète est marqué par une augmentation de la pression sur les ressources naturelles, en lien avec l’accélération effarante des mutations économique, démographique et sociale commencées aux siècles précédents. Au-delà de la crainte d’un épuisement des réserves, ce sont les effets délétères de leur exploitation sur la santé, sur les écosystèmes ou encore sur le climat qui favorisent la prise de conscience de la vulnérabilité de la Terre face aux actions humaines. Or, si la situation de crise est désormais admise pour le plus grand nombre des Terriens et des responsables politiques, les mesures prises par les États peinent à soulager une planète au bord de la saturation voire de l’implosion.