Nelson Morgado a l’analyse du jeu dans la peau
De l’académie du Sporting Portugal au staff technique de l’Eintracht Francfort en passant par Strassen, le trentenaire a tracé une trajectoire aussi singulière qu’estimable
Rencontrer la bonne personne au bon moment peut lancer votre carrière. Celle de Nelson Morgado a pris une dimension internationale au contact de Dino Toppmöller même si le trentenaire travaille dans l’ombre. «J’analyse nos adversaires. Nous avons quatre spécialistes qui décryptent le jeu des équipes que nous affrontons (phases arrêtées, comportement individuel, …) et d’autres encore qui recueillent les données.
Je synthétise tout ça et je fais le lien avec nos entraîneurs», explique celui qui bosse à l’Eintracht Francfort, sixième actuellement en Bundesliga. «Je considère que nous sommes à notre place. Ce n’est pas un manque d’ambitions mais ça me semble réaliste. Et nous sommes toujours en lice en Conference League.»
Torpillé par les blessures
Comme tout gamin doué, Nelson Morgado rêvait de devenir un joueur célèbre. Le natif de Bondy, la ville de Kylian Mbappé, va cependant payer un lourd tribut aux blessures. Une première aux ligaments croisés alors qu’il était au centre de formation du Sporting Portugal le freine dans son ascension. Une seconde, à gauche cette fois-ci, alors qu’il portait le maillot de Lorentzweiler face à Mersch, sonne définitivement le glas de sa carrière.
«Ça m’a servi à mieux comprendre les garçons blessés, en manque de temps de jeu et de rythme. J’ai évacué ma frustration et mon échec à travers plusieurs lectures. J’ai ensuite profité du congé parental quand mon premier fils, Bryan, est né, pour étudier des équipes du top pendant six mois. J’en ai vu des matchs. Je me suis formé pour devenir analyste vidéo.»
Encore faut-il valoriser la fonction dans un football grand-ducal en plein essor, mais pas toujours prêt à s’ouvrir à de nouveaux horizons. La rencontre avec Dino Toppmöller va radicalement changer les choses. Le technicien allemand est à la pointe du progrès. Il symbolise la génération montante. Son travail au RM Hamm Benfica n’est pas passé inaperçu. Le récital va se poursuivre à Dudelange puis à Virton. Avec Nelson Morgado dans son sillage. «Le F91 n’avait sans doute pas besoin d’un analyste pour être champion, mais cette vision correspondait à celle de Dino. Nous nous sommes tout de suite entendus et je lui serai éternellement reconnaissant.»
Les deux hommes sont férus de tactique. Ça leur arrive d’échanger pendant des heures sur une stratégie à adopter puis de faire marche arrière dans un grand éclat de rire. Plusieurs marqueurs communs scellent leur pacte comme celui de ne jamais se relâcher après une victoire.
Leur parcours commun va s’arrêter après avoir donné des frissons aux supporters de l’Excelsior Virton que Dino Toppmöller quittera en décembre 2019. «J’allais à Tubize une ou deux fois par mois à l’initiative de l’URBSFA. La Fédération belge devait retenir cinq analystes pour passer au crible les adversaires des Diables Rouges à l’Euro 2020. Cette formation était donnée par Roberto Martinez, l’ancien sélectionneur de la Belgique et Luke Benstead, le chef analyste.
Ce dernier a été sollicité par l’AS Monaco mais a préféré rester en Belgique car l’Euro a été repoussé d’un an et il souhaitait à tout prix travailler dessus. Il m’a conseillé. J’avais quatre matchs pour faire mes preuves.» Bingo! Une nouvelle vie commence au pied du Rocher pour Nelson et sa famille qui déménagent dans cette jolie région. Il y côtoie Niko Kovac et son staff dont Aaron Briggs, formé à l’école «Guardiola » à Manchester City. «Je les croise à nouveau en Bundesliga puisqu’ils sont à Wolfsbourg.» Puis Philippe Clement, le coach belge à succès.
Retrouvailles à Francfort
Être analyste ou entraîneur, c’est un peu comme un marchand ambulant. On sait rarement de quoi les lendemains seront faits. Un chapitre se referme parfois plus tôt que prévu. Et un autre s’ouvre aussitôt ou bien plus tard.
Le hasard fait ainsi bien les choses pour le Franco-Portugais qui saute à pieds joints dans l’avion lorsque Dino Toppmöller, fraîchement nommé à la tête de l’Eintracht Francfort, lui propose de le retrouver. Nelson Morgado découvre ainsi un autre grand championnat européen. «La Ligue 1 est le championnat des talents, des gamins issus de la rue ou des centres de formation qui possèdent souvent une technique fine. En Allemagne, on retrouve des gars plus expérimentés avec moins d’instinct et de folie mais avec une belle lecture du jeu. J’y vois plus de détails, de plans de jeu complexes, des phases arrêtées passées au scanner. Tout est un petit peu plus poussé qu’en France. Ce n’est pas pour rien que les clubs allemands s’intéressent aux jeunes Français.»
Et puisque l’histoire est un éternel recommencement, Nelson Morgado s’apprête bientôt à croiser quelques têtes qu’il connaît bien en barrage de la Conference League. «Anthony Moris, Loïc Lapoussin et Guillaume François ont contribué aux bons résultats de l’Excelsior Virton. Je les apprécie humainement et
: Le F91 n’avait sans doute pas besoin d’un analyste pour être champion, mais cette vision correspondait à celle de Dino. Nelson Morgado
sportivement. Partout où Anthony est passé, il s’est comporté comme un leader avec des mots justes avant et après un match. Et son jeu au pied met tout le monde d’accord. Je souhaite à l’Union Saint-Gilloise beaucoup de succès sur la scène belge mais pas internationale cette saison-ci», plaisante celui qui reste attentif au football grand-ducal auquel il voue un profond respect.
«Des joueurs passés par le pays ont pris une dimension incroyable comme Leandro Barreiro ou Simon Banza pour ne prendre que ces deux exemples. Et la sélection peut marquer l’Histoire dans quelques semaines.» Ce serait avec grand plaisir que Nelson Morgado détaillerait avec gourmandise et pour son seul plaisir les faits et gestes des Lions Rouges.