Des bâtis & des hommes
Frank Wagner, administrateur-Délégué chez Wiesen-Piront & Top-Invest, a accepté de nous consacrer de son précieux temps. Sans boule de cristal mais fort de son expertise en matières immobilières, il nous a donné quelques informations importantes quant à ce qu’il aime à nommer « la structuralité du marché ». Quant à lui, Ruben Brangier, fondateur de MBM Real Estate, confiant et fort d’une certaine expérience, a également des choses à partager.
Bilan 2023
FW : « Que dire ? Par quoi commencer ? Disons que ce fut une année calme et même, à certains égards, quelque peu inquiétante pour les acheteurs suite à la hausse spectaculaire des taux bancaires. »
RB : « Si l’on voulait résumer, on pourrait même dire que 2023 fut une année qui aura marqué au fer rouge l’immobilier luxembourgeois. En effet, la violente hausse des taux a rendu le marché inaccessible à la plupart de nos potentiels acquéreurs et les prix se sont effondrés. Nous avons vu des prix baisser jusqu’à -30% par rapport au prix escompté et, en moyenne, des baisses de 10 à 15% ont été observées sur des biens pour lesquels les prix avaient déjà été revus à la baisse par rapport à nos estimations réalisées quelques mois, un an tout au plus, auparavant. »
Quand les taux montent, le marché tousse FW : « En effet, comment ne pas comprendre la stagnation mais également les valses hésitations des acquéreurs potentiels, suite aux nouvelles dispositions en matière de taux ? On constate de fait, une incertitude internationale même si, à long terme, les taux redescendent.
De plus, il y avait jusqu’alors au Luxembourg, l’attente d’éventuels changements en matière de dispositions économiques concernant les primo-accédants et les investisseurs. En effet, jusqu’à présent, leurs avantages avaient été petit à petit rognés, d’où des conséquences désastreuses pour le secteur avec, par exemple, des chutes de commandes dans les constructions nouvelles, de l’ordre d’environ 70%. »
Matériaux, normes & charges sociales FW : « Au niveau de la construction, les prix ne peuvent pas baisser. Les grandes et moyennes entreprises rognent sur leurs marges mais ne peuvent accomplir de miracles. Une société de construction dégage entre trois et cinq pour-cent de bénéfice net, ce qui n’est pas très important. Les promoteurs peuvent peut-être dégager un peu plus de bénéfice net, même si on ne peut vendre en deçà du prix d’achat du terrain. Une solution serait, du reste, la densification de projets immobiliers sur une même surface.
D’autre part, la question des matériaux est également à noter. Le ciment, par exemple, a augmenté en prix de revient, du fait de la quantité d’énergie requise pour sa fabrication. C’est un exemple parmi mille autres mais qui permet d’affirmer que le coût des constructions ne va pas baisser.
De plus, nous construisons dans l’exigence. Celle de normes imposées, plus drastiques (et donc plus onéreuses) – et elles le sont même plus qu’ailleurs au Grand-Duché – par exemple, concernant le chauffage et l’isolation.
Également, les tranches d’index pèsent beaucoup : la main d’oeuvre et conséquemment la masse salariale, sont des postes qui coûtent cher aux entrepreneurs... »
RB : « Oui, la construction ne peut devenir moins cher, mais il y a peut-être des coups à faire sur les achats de terrains : 2023, outre une année de challenge, a surtout été une année de changement pour l’immobilier luxembourgeois. Peu nombreux sont ceux qui auraient pu prédire ce retournement de situation, pourtant prévisible à plusieurs égards.
Conséquence, en plus des prix, le nombre de transactions a drastiquement chuté avec, chez MBM Group Real Estate, 30 % de volume de ventes en moins et bien plus pour certains confrères.
Néanmoins en toute fin d’année l’annonce de stabilisation des taux, voire de la baisse à venir, a re
donné un coup de fouet à l’immobilier luxembourgeois et nous avons réalisé quelques belles ventes. »
L’Etat doit aider les jeunes, les primos-accédants, les acteurs du BTP FW : « Oui, il faut néanmoins tenir bon, que l’économie se maintienne pour ne pas, le jour où tout redémarre véritablement, que nous ayons perdu notre main d’oeuvre repartie dans son pays d’origine ou ailleurs, quelque part où l’herbe aurait pu paraitre plus verte. Également, chaque gouvernement se doit de favoriser les aides aux primoaccédants. Il en va du bien-être de chacun. Pour le moment, les gens louent en attendant des jours plus favorables pour acheter, ce qui entraine une augmentation des prix des loyers… »
Prévisions 2024
FW : « Acheter cette année ? Oui car l’Etat va proposer une série d’aides et allègements pour les acheteurs avec effet rétroactif au 1er janvier 2024. En 2025, la demande va augmenter donc on observera une tendance des prix immobiliers à la hausse.
Tout le monde – pouvoirs publics, entrepreneurs, investisseurs – a intérêt à ce que cela bouge. De notre côté, nous avons 200 ouvriers sur nos sites, on ne peut se permettre de les voir repartir dans leur pays d’origine en cas de perte d’emploi car quand l’activité repartira véritablement, nous risquerions un gros déficit de main d’oeuvre. Nous sommes dans une période de flottement… il faut naviguer judicieusement… »
RB : « 2024 s’annonce en demi-teinte. D’un côté, la situation des taux d’intérêt ne s’améliorera pas immédiatement et le logement reste inaccessible pour beaucoup d’acquéreurs ou peu intéressant pour certains profils de clients qui n’ont pas un besoin viscéral de changer d’habitation.
D’autre part, la baisse des prix et le retour de la confiance dans le système financier, voire la baisse des taux, ramènera de la dynamique dans le marché et laissera présager une belle année. Le seul point d’interrogation reste pour moi les VEFA. »
2024 est sans doute l’année pour faire une bonne affaire ! Acheter cette année ? Oui car l’Etat va proposer une série d’aides & allègements pour les acheteurs avec effet rétroactif au 1er janvier 2024. En 2025, la demande va augmenter donc on observera une tendance des prix immobiliers à la hausse. Tout le monde – pouvoirs publics, entrepreneurs, investisseurs – a intérêt à ce que cela bouge.