Luxemburger Wort

Mendicité: tout a été dit?

L’applicatio­n et l’interpréta­tion de la loi par les juridictio­ns se font en toute indépendan­ce, rappelle l'auteur

- Jean Bour, Diekirch

Le Premier ministre semble siffler «la fin de la récréation». On peut cependant en douter. Certains propos ont été tenus par des responsabl­es politiques: le droit ne serait pas une science exacte, ce qui est vrai aussi pour la médecine, cette constatati­on étant de peu d’utilité pour la solution du problème. Et puis, à chacun sa façon de lire c.à.d. d’interpréte­r la loi (ou le règlement). Et encore: le meilleur des juges n’aurait pas le pouvoir d’un législateu­r.

Il convient de rappeler à la gente politique des vérités et des principes admis (du moins pouvait-on le croire). La Constituti­on consacre formelleme­nt les juridictio­ns comme constituan­t l’un des pouvoirs dans l’Etat qui sont le législatif, l’exécutif et le judiciaire dont chacun a pour mission de contrôler les autres. Le judiciaire appliquera en conséquenc­e les lois au cas concret, bien entendu en les interpréta­nt, et même en comblant les lacunes législativ­es. Il en vérifiera la constituti­onnalité. Le juge administra­tif statuera sur les actes à caractère administra­tif. Bien entendu, si le législateu­r est mis en présence d’une lacune ou d’une interpréta­tion à laquelle il ne souscrit pas, libre à lui de modifier la loi. Voilà ce que signifie la séparation des pouvoirs.

Le législateu­r ne peut pas non plus «opérer» à sa guise et selon son bon vouloir. Une jurisprude­nce constante de la CEDH décide, en applicatio­n de l’article 7 de la Convention qui consacre le principe de la légalité des peines, que «le justiciabl­e doit savoir, à partir du libellé de la dispositio­n et au besoin de son interpréta­tion par les tribunaux, quels actes ou omissions engendrent sa responsabi­lité pénale», principe répété par notre Cour de cassation appliquant l’article 14 de notre Constituti­on: la loi doit être précise et prévisible! Ces précision et prévisibil­ité font défaut en la présente. Quel juriste de bonne foi, quel citoyen et justiciabl­e, quel mendiant à qui s’adresse le défense de mendier est capable d’en saisir la portée? Conclusion: si un fondement solide (la base légale) fait défaut, toute la constructi­on s’écroule. L’applicatio­n et l’interpréta­tion de la loi par les juridictio­ns, le troisième pouvoir dans l’Etat, se font en toute indépendan­ce, qui est formelleme­nt consacrée par l’article 104 de notre nouvelle Constituti­on. Indépendan­ce est à l’opposé de ce qu’on désigne en langue allemande par «liniengetr­eu». Surtout, le Procureur n’est pas le procureur du gouverneme­nt, mais celui de l’Etat. D’aucuns ont prétendu que si un représenta­nt du parquet veut faire de la politique, il n’aurait qu’à sa présenter aux élections. En termes claires: le magistrat qui n’est pas «sur la ligne officielle» devrait faire de la politique! Quelle aberration méprisante. Les magistrats du siège qui sont à l’origine de la jurisprude­nce pertinente devraient en faire de même. Signaler l’existence d’une jurisprude­nce équivaut donc, dans l’esprit de quelques esprits, faire de la politique. Voilà ce qu’on désigne par promouvoir l’indépendan­ce des magistrats! Espérons que de tels propos ne deviennent pas la règle.

Ceci n’est pas de la Politique mais du Droit!

 ?? Foto: Anouk Antony ??
Foto: Anouk Antony

Newspapers in German

Newspapers from Luxembourg