Luxemburger Wort

Les casseurs

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C’est une initiative dont on ne sait s’il faut en rire ou en pleurer. Elle est née de l’imaginatio­n débridée des animateurs de la «Maison des jeunes et de la culture» de Mérignac en Gironde, qui pour les vacances scolaires de février, entre un «atelier robot» et une «animation cirque» proposera aux jeunes, dès onze ans, «un stage drag qui casse les codes».

Il faut se répéter ces mots, lentement et à haute voix, tant ils sont extraordin­aires: un «stage drag qui casse les codes», il faut les relever et les méditer, car ils disent long des égarements en quoi peuvent se fourvoyer des éducateurs soucieux de brancher les enfants sur les marottes du temps présent. Est proposé, aux gamins et aux gamines, de «créer chacun et chacune son personnag de drag-queen en choissant un nom, un genre et un code». Bien entendu, et c’est tout le problème de la pédagogie «branchée», l’objectif énoncé est d’une éminente élévation: il s’agit de «partager des temps de réflexion sur les codes, les stéréotype­s et comment en jouer», en défilant en talons aiguille, avec le fard et «le regard approprié». Aux dernières nouvelles quatre enfants sont inscrits.

«Grotesque et abject»: des associatio­ns de parents s’insurgent.

Pourquoi diable des enfants de onze ans devraient-ils «casser des codes»? Il y a un âge pour se désempêtre­r des normes, pour se libérer des stéréotype­s, pour «casser des codes» si vraiment il faut le dire en ces termes. Mais il y a un âge préalable où il faut d’abord en faire l’apprentiss­age, intégrer la norme pour mieux s’en dissocier ensuite. Onze ans, c’est tôt pour casser ce qui n’est pas encore élaboré.

Mais il y a autre chose, qui est le caractère foncièreme­nt inopportun de cette initiative à un moment où l’agression sexuelle est devenue, dans l’imaginaire collectif, un fléau cardinal, un moment qui oblige à la plus grande prudence dans l’expression des différence­s en la matière. Or c’est le moment qu’ont choisi nos pédagogues pour farder des fillettes en lolitas de carnaval, pour les affubler, croyant ainsi les déjouer, des signes extérieurs les plus aguichants.

«Grotesque, abject et manipulate­ur – Laissez les enfants grandir en paix, ils auront bien le temps de jouer aux adultes plus tard»: des associatio­ns de parents se sont insurgées, une pétition a été mise en ligne. On peut, en attendant le dénouement de cette affaire, méditer les inconséque­nces et les tartufferi­es d’une modernité qui, si l’on ose dire, ne cesse de brandir les verges avec quoi elle sera flagellée.

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La chronique de Gaston Carré

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