Le don et le sable
30.000 personnes, dont une majorité de Palestiniens, sont au service de l’UNRWA, l’agence des Nations unies pour les Palestiniens. Se trouve-t-il parmi eux des éléments hostiles à Israël? Favorables au Hamas? La réponse est évidente, et il faudrait être d’une niaiserie profonde pour la réfuter: oui, bien sûr, parmi les Palestiniens de l’UNRWA se trouvent des sympathisants du Hamas ou du Djihad islamique. Faut-il, pour éradiquer ceux-ci, démanteler l’institution en son entier? D’aucuns le préconisent, prêts à jeter le bébé avec l’eau du bain.
Il convient de bien distinguer les différentes étapes du processus humanitaire. En amont de celui-ci, l’argent du donateur, au Luxembourg en particulier, où ce donateur est d’une remarquable générosité, fait l’objet d’un traitement d’une extrême méticulosité. Les associa
Quand on avait la main sur le coeur et les yeux dans la poche.
tions qui en font collecte agissent dans cette région particulière de l’éthique qu’est la solidarité internationale, la plus noble de toutes, et l’on peut être assez sûr qu’elles se font un devoir d’être irréprochables.
Une fois remis au destinataire, le don par contre peut perdre en visibilité. Les associations ont multiplié les procédures de suivi et de contrôle visant à s’assurer que l'aide est acheminée vers ceux qui en ont besoin, et non détournée au profit d’officines véreuses ou de groupes terroristes. Ces contrôles n’empêchent pas qu’en certaines régions du monde des chefs de guerre gèrent l’aide humanitaire comme une épicerie privée.
C’est que l’action humanitaire en son dernier geste, celui qui consiste à remettre l’aide aux instances appelées à la distribuer, est frappée d’un scrupule dont faute de place on ne pourra pas faire l’analyse ici. Disons qu’est à l’oeuvre une sorte d’inhibition, qui empêche l’humanitaire d’exiger quitus de son don. Une inhibition qui procède de facteurs historiques et idéologiques – de l’idéologie humanitaire en son état originel et virginal, quand on avait la main sur le coeur
Ces contrôles n’empêchent pas qu’en certaines régions du monde des chefs de guerre gèrent l’aide humanitaire comme une épicerie privée.
mais les yeux dans la poche.
Le don était conçu comme un absolu, en ces années 1970 et 80 où l’on aurait considéré comme une faute de goût de demander à un Éthiopien ce qu’il entendait faire de ce qu’on lui donnait. Or cette culture-là est en voie de résorption: quitte à perdre en panache ce qu’ils gagnent en efficience, les humanitaires sont d’une génération nouvelle, plus pragmatique, moins «sentimentale». Gageons que cette génération-là s’assure que ses dons ne se perdent pas dans le sable.