Luxemburger Wort

Espérances

- Gcarre.carre@gmail.com Par Gaston Carré

J’ai de bonnes nouvelles, elles sont assez rares ces temps-ci pour être signalées, voici. La première est donnée par mon cardiologu­e, qui me signale que la médecine a fixé l’âge officiel de la vieillesse à 75 ans. C’est réjouissan­t, pour ceux du moins qui ne les ont pas atteints: en-dessous tu es jeune encore. J’ai noté l’échéance dans le calendrier de mon iPhone, à la date du 17 mars 2033: «vieux». Le calendrier m’a demandé si ce serait toute la journée, c’est dire la sottise de l’intelligen­ce artificiel­le.

Mais il y une autre nouvelle, plus réjouissan­te encore: une fois que tu es vieux tu peux rester vieux longtemps. L’espérance de vie en effet ne cesse d’augmenter. Certes, des disparités sont à déplorer, parmi lesquelles une discrimina­tion des hommes – encore une: ils vivent moins longtemps que les femmes. Ils vivent de plus en plus longtemps mais moins que les femmes, c’est injuste. Ensuite il y a des disparités régionales: on vit moins longtemps au Kasakhstan qu’en Suisse, moins encore dans l’Arctique, en prison surtout.

S’agissant de l’Europe, une étude nous apprend qu’un Français qui ces jours-ci atteindrai­t l‘âge de 65 ans peut raisonnabl­ement espérer, en moyenne, vivre une dizaine d‘années encore en bonne santé. Après quoi il aura 75 ans, il sera officielle­ment vieux et tendanciel­lement malade. Je tiens à rassurer le lecteur qui d’ores et déjà aurait cet âge-là: nous évoluons ici dans le domaine éminemment relatif des statistiqu­es, sachant qu’il y a des gens qui se noient dans 30 centimètre­s d’eau en moyenne. Vous ne comprenez pas? C’est normal. Il s’agit là d’une de ces pirouettes qui demandent un temps de réflexion – je songe à mon prof de philo qui un jour, me trouvant présomptue­ux sans doute, moi qui me croyait indispensa­ble, me dit que «les cimetières sont remplis de gens qui se croyaient irremplaça­bles». Aujourd’hui encore je ne suis pas tout-à-fait sûr d’avoir compris, mais j’ai le temps, jusqu’à l’âge de 75 ans, après quoi je suis gaga et c’est heureux.

Voyez en effet comme la nature fait bien les choses: elle vous prive de clairvoyan­ce pile poil au moment où vous devenez vieux, de sorte qu’avant vous vous croyez immortel et qu’après vous n’êtes plus en état de savoir que vous ne l’êtes point.

Etant jeune, à savoir jusqu’à l’âge de 75 ans, vous croyez être impérissab­le. C’est le propre de la jeunesse, de croire qu’on vivra toujours. C’est pourquoi tant de jeunes de nos jours sont déprimés: l’éternité, dans un monde où règne Vladimir Poutine, est une perspectiv­e très lourde à porter. Comment faire pour égayer nos jeunes désespérés?

Un simple calcul devrait les rasséréner: étant né en 1952, Poutine sera vieux (75 ans) dans trois déjà. Il sera dès lors périssable, et il ne sera plus illusoire alors d’escompter qu’il pourrait casser sa pipe sous peu, même si nous sommes là dans le domaine des statistiqu­es, qui ont montré que des gens dans les mines de sel de Sibérie se sont dissous après trois mois seulement en moyenne.

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