Luxemburger Wort

Fin de vie: le poids des mots

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Partir dans l‘autre dimension, le plus tôt, le plus vite et le moins douloureus­ement possible», c’est ce que souhaite Françoise Hardy. Luttant contre un cancer du pharynx, celle qui fut l’«idole des jeunes» s’est adressée à Emmanuel Macron pour lui demander, à l’instar de beaucoup de Françaises et de Français, illustres ou anonymes, une «légalisati­on de l’euthanasie».

Lundi, le Premier ministre Gabriel Attal annonçait que l’examen d’un projet de loi portant sur la fin de vie serait examiné par l’Assemblée nationale le 27 mai, un projet qui concernera les personnes atteintes d‘une pathologie «incurable» avec «pronostic vital engagé à court ou moyen terme», et subissant des souffrance­s «réfractair­es» que l‘on ne peut soulager. La mesure sera conditionn­ée à l‘avis collégial de l‘équipe médicale sous 15 jours. Le malade pourra absorber le produit mortel seul ou, lorsqu‘il est dans l‘incapacité de le faire, avec l‘assistance d‘un membre du corps médical ou d‘une personne désignée. Macron ainsi s’est saisi d’une problémati­que qui en France est en suspens depuis vingt ans au moins.

Décrypter la forme avant de décider sur le fond.

Une problémati­que difficile, la plus difficile de toutes, en ce qu’elle touche à la vie, à la mort, à la possibilit­é que l’homme se donne ou se refuse de précipiter la mort quand la vie lui paraît invivable. Aussi le président, qui sait le poids des mots, a-t-il longuement pesé ceux qu’il emploierai­t ici, d’où un dispositif qui par son intitulé est original: Macron, refusant de parler de «suicide assisté» ou de «dépénalisa­tion de l’euthanasie», envisage une

«aide à mourir». On comprend sa réticence au terme «euthanasie», qui porte de lourdes connotatio­ns. Mais par-delà le scrupule moral, les mots de Macron attestent le souci de ménager les parties politiques en présence, sachant que rares sont les élus qui voudraient voter pour un «suicide assisté». Ce souci étant éclairé, on s’avise que l’«aide à mourir» dans son principe ne s’en différenci­e guère. Macron prétend que le texte ne prévoit ni l‘euthanasie ni le suicide assisté alors même qu‘il instaure les deux. Le sujet est trop grave pour permettre des mises en perspectiv­e hasardeuse­s. Pourtant, force est de constater que le président crée une situation rappelant la confusion engendrée par ses récentes déclaratio­ns sur une interventi­on militaire en Ukraine.

Une situation d’ambiguïté telle qu’avant toute prise de décision sur le fond on passera des mois à tenter le décryptage de la forme. Pour l’Eglise de France cependant l’«aide à mourir» est un projet transparen­t, et sa réaction est virulente: «une telle loi infléchira tout notre système de santé vers la mort comme solution». Mais c’est bien le droit à cette «solution»-là que Françoise Hardy souhaite éperdument.

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La chronique de Gaston Carré

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