Luxemburger Wort

La sagesse d’un outsider qui nous en chante!

Stephan Eicher fait son grand retour au Grand-Duché ce jeudi 21 mars 2024 au Casino 2OOO de Mondorf-lès-Bains

- P a r D o m i n i q u e C o u t a n t

De ses débuts énergisant­s, à l’ère des balbutieme­nts de l’électro, à sa world music intimiste et léchée à la sauce européenne, le parcours musical de Stephan Eicher se révèle un doux témoignage humaniste. Celui d’un temps qui passe et d’une inexorable modernité dont il convient de garder, à l’instar du maître enchanteur helvétique, juste ce qu’il reste de pratique, de sobre et d’universel...

Votre retour au GrandDuché de Luxembourg en moins d’un an traduit-il une affinité particuliè­re à l’égard de ce petit pays multilingu­e et multicultu­rel?

«En effet, on peut dire ça comme ça, car du fait de ma culture suisse, je me sens forcément proche de celle d’ici, même si j’aime également élargir mon terrain autant que possible. J’apprécie tout aussi bien de me déplacer en banlieue parisienne que de me produire en dehors des frontières de l’Hexagone, au sein d’une autre culture avec laquelle je ressens une certaine proximité. Cela reste aussi très important d’aller jouer dans des villes comme Munich, Hambourg ou Berlin, même si je ne fais pas la même carrière outre-Rhin.»

Quel est le vrai leitmotiv des artistes expériment­és de votre calibre qui les pousse à continuer de monter sur scène régulièrem­ent après une carrière prolifique? «D’abord, c’est l'essence même de mon métier qui consiste à aller dans différents coins et différente­s villes à la rencontre de mon public et de gens qui ont, j’espère, encore à coeur d’écouter ma musique, mais aussi de revivre des moments forts de leur existence, certes passée, mais que je peux éventuelle­ment aider à raviver, et ce, même à notre époque à travers tel ou tel titre. Ensuite, j’adore faire ça, tout simplement. Jouer et chanter devant des spectateur­s, en compagnie de mes musiciens, me procure une sorte de bonheur attendriss­ant et revêt un caractère social fondamenta­l où l’échange et le partage prennent tout leur sens.

Un peu à la manière d'amis qui se réunissent autour d’une table au restaurant ou au bistro pour discuter, je me réjouis d’avoir la possibilit­é de nouer cette forme de contact lors d’un concert…»

Quelles ont été vos influences et vos inspiratio­ns à la base, et encore maintenant? «L’inspiratio­n vient chaque jour en écoutant les uns et les autres. Lorsque j'ai commencé, j’étais davantage dans la mouvance de la musique électroniq­ue des années 80 produite par les groupes Kraftwerk ou Deutsch-Amerikanis­che Freundscha­ft, par exemple. Jusqu’au jour où j’ai découvert le plaisir de poser une guitare acoustique sur mes genoux qui me permettait d’exprimer des ressentis plus intimistes sous l’influence d’un Leonard Cohen ou d’un Bob Dylan… Sans oublier la musique rock bien sûr, dans le genre du Velvet Undergroun­d de Lou Reed. Encore de nos jours, je prête une oreille attentive à tout ce qui se fait, et j’ai encore récemment été très touché par le son des trois américaine­s de Boygenius, et très intéressé par le dernier disque des Bleachers du New Jersey.»

La mise en place d’un duo relève-t-elle véritablem­ent

du challenge ou est-ce que cela coule de source?

«Tout dépend des situations. Il y a des voix ou des personnali­tés qui, une fois accordées ensemble, créent cette belle synergie harmonique que génère idéalement le duo. Et parfois (plus rarement), l’on assiste davantage à une sorte de compétitio­n de voix, mais toujours dans un bon sentiment… En duo, j’avais beaucoup apprécié le concours d’artistes belges comme Arno ou Axelle Red, mais aussi Miossec chez les Français, sans oublier Sharleen Spiteri du groupe écossais Texas.»

Croyez-vous aux vraies rencontres karmiques? «Absolument, même si je parlerais plus de grands hasards (qui font bien les choses), ou plutôt de très heureuses rencontres pour lesquelles il faut être prêt à chaque instant de sa vie.»

Adaptez-vous la langue d’un texte au style de musique d’un morceau déjà composé ou, inversemen­t, trouvez-vous une mélodie une fois les paroles d’une chanson couchées sur le papier? «Neuf fois sur dix, ce sont les textes qui, conservés dans leur substance, et ce, quelle que soit la langue, génèrent des harmonies, des tonalités et des mélodies. Toutefois, il m’est déjà arrivé à deux ou trois reprises de modifier le contenu d’une chanson par rapport à la musique, mais cela reste assez anecdotiqu­e. Le texte reste généraleme­nt le fil conducteur d’un morceau en cours de création.»

Travaillez-vous de préférence dans la journée ou tard dans la nuit pour composer, et écrire bien sûr? «Lorsqu’il n’y a personne à la maison, je peux travailler le jour sans problème. Mais, quand il y a du monde et que je suis en famille, la nuit se prête plus naturellem­ent à l’écriture. Le calme et la tranquilli­té nocturnes procurent souvent une plus grande capacité de concentrat­ion pour travailler, même si le bruit ambiant de la journée peut parfois mener à une nouvelle idée originale...»

Quels sont vos véritables instrument­s de prédilecti­on? «La boîte à rythmes et un sampler (humour, quoique…), une guitare et un piano, assurément. Le piano a un côté très pratique, car on peut y poser un café, ou autre chose, pendant que l’on joue (rires). En fait, oui, j’adore le piano; c’est une autre maison à l’intérieur de la maison en quelque sorte.»

Sur quelle guitare jouezvous actuelleme­nt?

«Ma guitare actuelle est un genre de souvenir de la période de la pandémie au cours de laquelle j’étais justement en tournée sur un radeau, car j’avais à l'esprit d’immortalis­er la situation délicate et précaire des artistes qui étaient devenus des naufragés, sous certains aspects. Une fois la tournée achevée, j’étais si attaché à notre radeau que j’en avais arraché une planche afin qu’un luthier puisse me fabriquer un instrument capable de produire le son d’une Fender Telecaster. D’ailleurs, je jouerai avec demain au Casino 2OOO.»

En tant qu’artiste polyglotte, vers quelle langue va votre préférence, le cas échéant? «Paradoxale­ment, je ne peux pas dire que je penche plus pour une langue que pour une autre. Bien sûr, en matière littéraire, je suis plus à l’aise avec l’allemand, mais en famille nous conversons essentiell­ement en français (même si j’ai dû apprivoise­r la langue à mes débuts). Et s’agissant du travail de tous les jours, l’anglais est très commode et met tout le monde d’accord. Du reste, je considère une langue davantage comme un outil que comme une identité.»

Avez-vous songé un jour à exercer un autre métier? «Dans ma jeunesse, vers 18 ans, je me voyais bien devenir professeur ou instituteu­r, mais la musique est une séductrice très persuasive et m’a fait prendre un autre itinéraire… Cela étant dit, enseigner à d’autres ce que j’ai moi-même appris me tenterait bien.»

Si votre vie était un accord, lequel serait-il?

«Sur une guitare, assurément un Sol majeur, car c’est un accord qui sonne vraiment bien à mon goût. Et sur un synthétise­ur, j'opterais plus pour un La mineur, voire un Do ou un Fa. Après tout, je ne suis pas un extra-terrestre; je suis comme tout le monde et des accords simples me vont très bien.»

Sur quelle note de la gamme se situe votre voix? «En vérité, ma tessiture est très bizarre; elle s’apparente à un Si bémol (ou un La dièse).»

Quelle image vous sied le mieux, celle d’un rocker saltimbanq­ue, artiste bohème et solitaire ou autre? «Je dirais que je suis un outsider, purement et simplement!».

Avez-vous encore des projets plein la tête ou bien comptez-vous mettre un terme à votre carrière tôt ou tard avec le sentiment du devoir accompli?

«Déjà, rien que d’un point de vue biologique et chronologi­que, nous ne sommes pas éternels, et mathématiq­uement, il va me rester moins de temps que je n’en ai eu jusqu’à présent. Tout cela pour dire que l’âge va indéniable­ment me rappeler à son bon souvenir. Pour être plus sage, l’on peut dire que, faute de temps, j’ai encore des idées. De toute façon, même lorsque l’envie d'écrire nous fait défaut par moment, le naturel revient très vite au galop!» (sourire).

À quoi doit-on s’attendre ce jeudi au Casino 2OOO, allez-vous faire la part belle à vos plus grands tubes ou essentiell­ement à votre dernier opus «Ode»?

«Ce sera un mélange de tout. À la fois en marquant le coup avec ce qu’il y a de plus récent et qui plaît encore à un public qui se renouvelle, et en reprenant les morceaux à succès, ainsi que d’autres chansons plus tamisées, qui ont fait ce que je suis encore à présent et qui me permettent toujours d’emmener avec moi celles et ceux qui vibrent encore à mon diapason…»

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 ?? Photos: © Annik Wetter ?? Un peu comme tout un chacun, l'auteur, compositeu­r et interprète Stephan Eicher poursuit son chemin, avec ce qu'on lui a donné et ce qu'il a encore à donner aux autres...
Photos: © Annik Wetter Un peu comme tout un chacun, l'auteur, compositeu­r et interprète Stephan Eicher poursuit son chemin, avec ce qu'on lui a donné et ce qu'il a encore à donner aux autres...

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