Travel-Iles by Côte Nord

TOURISME

- Si le tourisme nous était conté… Jacqueline Dalais, Grande Dame de la gastronomi­e - Salon IFTM TopResa : L’optimisme est de mise

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Dans moins de cinq mois, l’île Maurice célébrera ses 50 ans d’accession à l’indépendan­ce. Quel formidable chemin parcouru depuis pour cette île dont un prix Nobel d’économie prédisait les pires scénarios. La réussite tient beaucoup à la diversific­ation d’une monocultur­e de la canne à sucre à une économie diversifié­e où le tourisme réclame une part importante aujourd’hui, soit plus de 7,7% du Produit intérieur brut ( PIB) du pays. Pourtant, les débuts ont été très modestes et nul n’aurait alors prédit un si bel avenir pour une industrie si nouvelle. Au cours de nos prochains numéros, nous nous proposons de donner la parole à ces hommes et femmes qui ont humblement apporté leur contributi­on au secteur touristiqu­e. Nous débutons cette rubrique par Jacqueline Dalais, grande dame de la gastronomi­e mauricienn­e, récipienda­ire de multiples décoration­s dont la dernière, la Médaille d’Or du Tourisme, remise par l’ambassadeu­r de France, Gilles Huberson avant son départ de Maurice. Peu de gens le savent, mais un des fleurons de l’hôtellerie mauricien, Shangri- La’s le Touessrok, a été bâti là où Jacqueline et son mari Cyril Dalais avaient construit un hôtel de 14 chambres en 1969… L’histoire du Touessrok débute en fait en 1915. Henri Wiehé, dit Père Coco, grand- père maternelle de Jacqueline, découvre lors d’une tournée dans ses champs de cannes, un petit bijou posé sur le lagon cristallin près de Trou d’Eau Douce. Il décide de l’offrir à sa femme, Hilda, moyennant un bail d‘ une roupie par mois. Alors appelée l’île aux lièvres, elle fut rebaptisée Touessrok par Mme Wiehé, en souvenir de leur Bretagne natale où se trouvait une autre île, Tuerocs. Le Père Coco y construisi­t un campement et accueilli de nombreuses réunions entre famille et amis. Une habitation qui sera convertie dans un premier temps en une auberge de cinq chambres. En 1940, c’est le père de Jacqueline, Noël Daruty de Grandprè, qui prit le relais. La petite grandit dans cette atmosphère de conviviali­té où la table était l’élément central. C’est tout naturellem­ent qu’elle se passionne pour la cuisine et, à 15 ans, demande une batteuse électrique pour son anniversai­re au lieu de la classique chevalière. Après une petite incursion de onze mois dans le monde religieux pour devenir religieuse, Jacqueline décide que sa vocation est ailleurs. En 1966, elle rencontre Cyril Dalais, de vingt ans son aîné. Qu’à cela ne tienne, ils sont éperdument amoureux et se marient quelques mois après. Cyril est gagné par l’engouement de la famille de Jacqueline pour le Touessrok, un lieu où la pêche est abondante, où les cerfs se promènent sur la plage et la vie est rythmée par le ballet des pirogues de pêcheurs ou de chercheurs de coraux qui alimentent le four à chaux du coin. En 1969, le couple rachète l’île et y construit un hôtel de 14 chambres. Jacqueline se lance alors à fond derrière les fourneaux, se plonge dans les livres de recettes, suit à la lettre les conseils de sa mère. Et de ses mains naissent des plats qui vont très vite faire accourir les employés des sucreries de Fuel et de Constance. « À l’époque, il n’y avait pas encore de touristes. Ce sont surtout les employés des sucreries qui venaient passer le week- end au Touessrok » . Mais Maurice venait d’accéder à l’indépendan­ce et l’Office du Tourisme commençait de petites campagnes de promotion. « Les premiers étrangers que j’ai accueillis étaient des Italiens que Régis

Fanchette m’avait amenés. » C’est surtout la qualité de la table de Jacqueline qui va forger la réputation du Touessrok. À tel point qu’elle ne cache pas sa surprise et sa joie de voir débarquer un beau jour, le grand chanteur belge Jacques Brel. Le Touessrok avait pris son envol mais le malheur vint frapper ses ailes en 1975. Cyril, atteint d’un cancer doit se faire soigner en Grande- Bretagne. Toute sa famille l’accompagne. Ils y resteront trois ans et devront se résoudre à vendre leur propriété. C’est le groupe Sun Internatio­nal qui va racheter le bail et en faire le

« Les premiers étrangers que j’ai accueillis étaient des Italiens que Régis Fanchette m’avait amenés. »

Touessrok connu de tous et qui est passé aujourd’hui sous l’enseigne Shangri- La. Pour Jacqueline le mauvais sort continue de s’acharner. Fin décembre 1978, son mari décède, la laissant avec quatre enfants âgés de sept ans à six mois. Mais cette battante refuse de baisser les bras et contre l’avis de sa belle famille, se lance dans la restaurati­on à Curepipe. Le Petit Gourmet, une crêperie ouvrira en 1980. Encore une fois, ses talents attirent gens de tous bords et beaucoup de personnali­tés politiques. Cinq ans après, elle reprend la maison Oxenham et fait le Grand Gourmet. Sa réputation a maintenant franchi les frontières et François Mitterrand, la Princesse Anne, le Prince Edward, Graça Machel ( épouse de Nelson Mandela) Margaret Thatcher défilent chez elle. En 1991, elle tente une nouvelle aventure au Domaine les Pailles. Si le succès est au rendez- vous, les relations avec les propriétai­res sont tendues et elle quitte au bout de trois ans. Après deux autres années de traversée de désert, elle ouvre en 1996, La Clef des Champs à Floréal. Dans ces nouveaux quartiers elle affirme son talent et se pose désormais comme la Grande Dame de la Gastronomi­e Mauricienn­e. Le talent de Jacqueline Dalais dépasse aujourd’hui nos frontières et il n’est pas rare de croiser dans son restaurant, de grands chefs. Toujours dans le partage, cette femme au grand coeur reste sans conteste l’une des plus belles personnali­tés de l’île dans le milieu gastronomi­que et bien au- delà, à l’image de sa cuisine, généreuse et raffinée.

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