Le voyage : c’est de la magie et du bien- être
Florent eusseb coauteur de la série Regards Brom.
Il est des passions qui se transforment en vocation et mènent à la création de belles oeuvres. C’est le cas de Florent Beusse, auteur de la série Regards from…, qui est tombé dans la marmite du dessin si jeune qu’il ne s’en souvient même pas. Seuls lui viennent en mémoire ses dessins d’Indiens Apaches exposés dans les couloirs de l’école par son institutrice. Depuis, il n’a pas arrêté, comme l’eau suivant les courbes d’un long fleuve tranquille qui l’a mené du sud- ouest de la France, à l’île Maurice il y a 25 ans. Un quart de siècle au cours duquel il a mis son art au service la publicité mais aussi à celui de la culture et du livre en particulier.
« Mes parents m’ont dit que je dessinais alors que j’étais tout petit mais je me souviens seulement de mes dessins à l’école, sans doute un travail demandé par l’institutrice, exposés dans les couloirs. Les encouragements reçus m’ont poussé à continuer sur cette voie » , explique Florent. C’est tout naturellement qu’il va choisir la filière artistique, puis les études d’arts appliqués, quittant pour cela son Périgord natal pour Angoulême, puis Toulouse avant de monter à Paris où il entre à l’École Estienne, la plus ancienne école parisienne de design graphique. Il se spécialisera en architecture éphémère et commerciale, ce qui le fera entrer aussitôt après en agence. À l’époque, le service miliaire étant obligatoire, Florent accepte un poste à la Coopération et débarque à Maurice au Centre culturel Charles Baudelaire ( aujourd’hui Institut Français de Maurice) en 1993. Il sera très sollicité lors du sommet de la Francophonie, qui avait permis la venue du président François Mitterrand à Maurice. Il se fait remarquer au cours d’une exposition en marge de cet événement et sera ainsi contacté par Pascale Siew, directrice des éditions Vizavi, qui cherchait un Graphic Designer ayant également une connaissance de l’univers du livre pour un ouvrage sur le théâtre de Port- Louis et l’art lyrique à Maurice. Une opportunité qui lui permet de rester à la fin de son service pour trois mois de plus. Puis, il enchaînera sur un autre projet avant de créer Atoba, une agence de publicité spécialisée dans les ventes et magasins, qui s’est étendue sur les événements, très présente à La Réunion, tout en restant basée à Maurice. Cela poussera Florent à poser définitivement ses valises à Maurice, à Pereybère précisément. Si le dessin reste au coeur de son activité principale, Florent n’abandonne pas pour autant ses autres passions, à savoir, la plongée sous- marine et le voyage. « Je suis membre du Mauritius Underwater Group et j’ai plongé tout autour de l’île. Un des intérêts de la plongée, au début surtout, c’est qu’on est dans un autre milieu, on se focalise sur ce qu’on voit, cela se rapproche de la méditation. C’est ce que le dessin apporte aussi. Pour pouvoir dessiner à l’extérieur, il faut être totalement concentré. Les éléments perturbateurs arrivent toujours mais il faut savoir les laisser venir et repartir, en cela, le dessin rejoint la méditation » . Adepte de la méditation par la pleine conscience, il avoue que c’est ce qui lui a permis de progresser dans le dessin.
Retour à l’essentiel
Quant au voyage, il permet à Florent de joindre l’utile à l’agréable. « J’aime le voyage intelligent. Je rentabilise mes déplacements en visitant les lieux et en faisant des rencontres. Le voyage est un exercice intellectuel qui apporte une telle magie, un tel bien- être » . C’est au cours d’un de ses voyages qu’il commence ses dessins de lieux qui vont plus tard se concrétiser dans la série Regards from.... « En août 2010, alors que je travaillais sur mon premier ouvrage, l’illustration du livre Le Fracas des Mélopées de Laurent Dubourg, je dus partir à Rodrigues en raison du décès d’un proche. Le voyage à Rodrigues fut un retour à l’essentiel, une sorte de retraite. Sans but précis, j’avais apporté mon carnet de dessin. C’est là que j’ai compris que le dessin faisait partie de moi. Je m’étais perdu entre la finalité et la source ; la pub qui était la finalité était devenue la source. Par la suite, j’ai cessé de courir derrière le prix du plus grand publicitaire de l’océan Indien ; au sein de l’agence, j’ai également été plus à l’écoute et mis de côté mon ego pour un nouveau départ » . L’année suivante, il part en Indonésie et à Bali toujours avec le carnet dans le sac. En octobre 2012, Florent participe à un rallye en 2CV à Madagascar, à l’appel d’un ami photographe pour ramener un carnet de voyage. « C’est là que m'est venue l’idée de faire un livre sur Maurice. Un an après sortait Regards from Mauritius ; neuf mois de travail, tous les week- ends, je sortais et faisais le tour de l’île. Ensuite, les autres ont suivi mais il n’y avait pas de plan préétabli. Les Seychelles en 2015, La Réunion l’année dernière, et également Rodrigues que j’avais gardé en dernier pour boucler la boucle » .
Hugo Pratt
Pour chacun des livres, les dessins sont commentés par un auteur. « Le premier sur Maurice a été un étalon. On avait soumis les dessins à Amal Sewtohul qui a été enthousiasmé et qui a aussi écrit sur des lieux qui lui semblaient importants. Je suis alors reparti à la chasse pour faire des dessins de ces lieux. C’est donc son livre autant que le mien. Pour Rodrigues et la Réunion c’est la même chose. On a donné un espace, un volume, mais parfois les écrivains débordent et c’est tant mieux » .
Comment s’y prend- il pour faire ses dessins ? « Il faut s’imprégner du lieu ; arriver à le regarder tel qu’il est. Une fois qu’on y arrive, on imagine ce que cela peut donner en image ; soit en noir et blanc, soit en couleurs, ce ne sont pas les mêmes cadres. Pour le noir et blanc, autrefois j’y allais directement avec le stylo mais cela demandait trop d’efforts ; je préfère démarrer aujourd’hui au crayon. Pour la couleur, on se documente comme un dessinateur de BD, j’utilise la photo » . Quant au choix de l’aquarelle, Florent explique qu’elle s’est imposée pendant les études, « comme un musicien choisit un instrument plutôt qu’un autre » . « Il faut aussi dire que je suis tombé en arrêt devant des aquarelles d’Hugo Pratt. Je me suis tout de suite dit : c’est ça que je veux » . Un choix osé car, comparé à la peinture à l’huile, avec l’aquarelle, on ne peut pas tricher. « On ne peut pas revenir en arrière. La peinture à l’huile on peut toujours recouvrir d’une autre couche, l’aquarelle, si c’est raté, on la jette » . Et maintenant que Regards from Rodrigues est dans les librairies, Florent travaille déjà sur des projets futurs : Oman, grâce à un autre rallye en 2CV cette année, ensuite le Périgord et possiblement Agaléga. Bravo l'artiste.
« Le voyage à Rodrigues fut un retour à l’essentiel, une sorte de retraite. Sans but précis, j’avais apporté mon carnet de dessin. C’est là que j’ai compris que le dessin faisait partie de moi » .